[Expat pratique] Anticiper l’union et la désunion pour les Français expatriés aux EAU

Depuis le 2 décembre 1971, les EAU forment un Etat fédéral dont 88% de la population est étrangère. Plus de 30.000 français ont fait le choix de s’installer aux EAU. Le choix de l’expatriation implique de se faire conseiller au mieux afin d’anticiper les problématiques patrimoniales et familiales pouvant se poser dans un contexte international. Ce qu’il faut savoir.

Malgré la crise sanitaire qui a touché de plein fouet l’économie émirienne, le pays demeure un centre d’affaires mondial attirant bon nombre d’investisseurs et d’entreprises étrangères. Le cadre de vie et l’attractivité fiscale en font aussi l’une des destinations les plus prisées par les expatriés.

Planifier son expatriation, c’est anticiper les conditions matérielles d’installation : vérifier ses documents de voyage, prévoir une protection sociale adaptée, se renseigner sur ses obligations fiscales, rechercher un emploi à l’étranger, organiser son déménagement, inscrire ses enfants à l’école ou chercher un mode de garde etc…

C’est également prévoir les conséquences juridiques sur un plan patrimonial et familial.

Afin d’éviter les mauvaises surprises et d’assurer à sa famille une stabilité juridique au-delà des frontières, il est primordial de maitriser son régime matrimonial , de sécuriser les conséquences d’un divorce international et d’anticiper sa succession internationale .

Maitriser son régime matrimonial

La conclusion d’un contrat de mariage présente un intérêt pour tous les couples : choisir, parmi les différents types de régimes matrimoniaux pouvant exister, celui qui lui sera le plus adapté à l’âge des époux, à leur activité professionnelle et à leur situation familiale et patrimoniale.

Rappelons en effet qu’à défaut de contrat de mariage, les époux mariés en France sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts.

Ils peuvent cependant choisir de soumettre leurs rapports patrimoniaux au régime de la communauté universelle, à celui de la séparation de biens ou de la participation aux acquêts en concluant un contrat de mariage par devant leur notaire.

Dans un contexte international, conclure un contrat de mariage présente un intérêt supplémentaire : maitriser son régime matrimonial tout au long de l’expatriation.

Bon nombre d’époux ignorent par exemple qu’ils ont changé de régime matrimonial, par le simple fait d’avoir déménagé dans un autre pays. En effet, d’une manière générale, en l’absence de contrat de mariage, les époux sont soumis à la loi de l’Etat de leur première résidence. Toutefois, les couples mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019, peuvent être soumis, sans le savoir, à la loi d’un autre pays, notamment s’ils y résident depuis plus de 10 ans.

Par exemple, deux époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019, sans contrat de mariage, qui ont fixé leur première résidence habituelle en France, sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts. Par la suite, s’ils déménagent aux EAU et y résident plus de 10 ans, ils seront soumis au régime de la séparation de biens, qui est le régime matrimonial qui s’applique aux EAU à défaut de contrat de mariage.

Sécuriser les conséquences d’un divorce international

En raison de la diversité des législations internes étrangères et des règles de droit international privé, la question du divorce dans un contexte international est elle aussi complexe.

A tort, beaucoup de Français pensent qu’ils peuvent toujours saisir les juridictions françaises pour divorcer et que le juge français appliquera nécessairement la loi française à tous les aspects du divorce.

En réalité, lorsque les époux ne résident pas en France, le juge français n’est pas nécessairement compétent pour statuer sur toutes les conséquences du divorce : prononcé du divorce, obligations alimentaires entre époux, liquidation du régime matrimonial, responsabilité parentale et obligations alimentaires à l’égard des enfants.

A supposer que le juge français soit compétent pour statuer sur ces questions, il est également possible qu’il doive faire application du droit de l’Etat dans lequel se trouve la résidence des époux.

Par exemple, le juge français saisi du divorce d’époux français résidant aux EAU pourrait tout à fait appliquer le droit émirien aux demandes liées aux obligations alimentaires entre époux.

Afin de limiter les conflits dans une période de séparation, souvent synonyme de crise familiale, les conséquences du divorce doivent être balisées.

Dans un certain nombre de cas, il est possible de :

désigner les juridictions compétentes en cas de divorce : par la conclusion d’une convention d’élection de for ;

choisir la loi applicable en cas de divorce : par la conclusion d’une convention de choix de loi applicable.

Sécuriser les conséquences d’un divorce international c’est aussi s’assurer de sa reconnaissance et de son exécution à l’étranger.

A ce titre, la reconnaissance du divorce par consentement mutuel français sans juge par les EAU demeure incertaine, dans la mesure où il s’agit d’un acte hybride entre acte authentique et jugement.

A l’heure actuelle, le recours au divorce judiciaire semble être la voie à privilégier, en raison de la simplification et de la célérité des nouvelles règles procédurales du divorce judiciaire, entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

Anticiper sa succession internationale

Enfin, il est aussi utile de se soucier de la protection de ses proches et d’anticiper sa succession dans un contexte international.

En effet, l’expatriation amène très souvent à internationaliser également le patrimoine. Il n’est pas rare de posséder des biens dans deux voire plusieurs pays. La détention d’un patrimoine international n’est pas sans conséquence tant au plan civil que fiscal au moment de sa transmission.

Au plan civil, la loi applicable à une succession n’est pas systématiquement celle à laquelle nous pensons.
En droit européen, le Règlement Européen sur les successions du 4 Juillet 2012 prévoit en effet que la loi applicable à une succession internationale est celle de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès. Lorsque ladite résidence est située dans un Etat tiers, comme les EAU, doivent être prises en comptes les règles de conflits de cet Etat. C’est à ce moment que commencent les difficultés du règlement de la succession : différences de lois applicables, multiplicités des intervenants, augmentation du coût du traitement de la succession.
Devant ces complications, il est possible d’anticiper et de choisir au moyen d’une disposition de dernières volontés la loi applicable à sa succession, pourvu que celle-ci soit celle de la nationalité du disposant.
De la même manière, au moyen d’une disposition de dernières volontés le défunt peut choisir sa loi nationale applicable à sa succession pour les biens situés à Dubaï et ainsi éviter les règles du droit local de la Sharia, notamment en ce qui concerne les biens immobiliers situés à Dubaï.

Afin d’être parfaitement exécuté, le testament devra être enregistré en France au fichier des dispositions de dernières volontés et à Dubaï au Dubai International Financial Centre (DIFC) Wills and Probate Registry.

Céline Richard – Avocate et associée du cabinet Familynks, spécialisée en droit international de la famille. Lui écrire
Angélique Devaux – Notaire à Paris au sein de Cheuvreux, spécialisée en droit international de la famille. Lui écrire


Pour en savoir plus, suivez le replay du webinaire  dédié aux problématiques de droit de la famille internationale pour les expatriés des Emirats Arabes Unis, animé par Maître Céline RICHARD, Avocate Associée du Cabinet Familynks.

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