Triple champion olympique, triple champion du monde de canoë… C’est à un monument du sport français qu’a été confiée la coprésidence de Paris 2024. Tony Estanguet revient sur les éléments clés de la candidature parisienne.
Comment se prépare-t-on à passer du rôle de sportif de haut niveau à celui d’organisateur d’un événement aussi considérable ?
Vous savez, je suis coprésident d’un comité de candidature pour gagner les Jeux. Ce n’est qu’une autre forme de compétition ! On n’est pas encore dans l’organisation, mais dans la candidature. On travaille pour gagner. L’organisation, elle, viendra, je l’espère, après le 13 septembre. Il y a donc beaucoup de similitudes avec la vie de sportif qui est une très bonne préparation pour occuper ce poste : concentration, préparation, gestion du stress, évolution dans un milieu international, gestion des détails et progression étape par étape sont des qualités qui me viennent de ma vie de sportif. Porter un tel projet s’inscrit donc dans la suite logique de ma carrière qui a toujours été portée par les valeurs du sport et surtout de l’olympisme que nous voulons promouvoir par notre projet. Avec Paris 2024, l’Olympisme bénéficiera à tous de la même manière qu’il m’a bénéficié et construit.
À trois reprises depuis vingt-cinq ans, les candidatures de Paris pour l’organisation des Jeux se sont soldées par des échecs. Quelles sont les raisons d’envisager une issue plus positive cette fois-ci ?
Notre dossier se différencie des candidatures précédentes en plusieurs points. Il est plus que jamais portée par le mouvement sportif et cela à tous les niveaux. Nous portons un concept encore plus fort avec une célébration spectaculaire et la promesse d’un héritage important. Nous avons également adopté une approche plus pragmatique de la promotion pour convaincre que notre projet est le meilleur. Notre objectif est simple : prouver que Paris 2024 est le meilleur partenaire pour le CIO car il propose la bonne ville, au bon moment et avec la bonne vision.
L’utilisation de l’anglais dans le slogan associé à la candidature de Paris (made for sharing) a suscité des controverses. Pourquoi ce choix ?
Nous avons un slogan dans deux langues. Un slogan en français « Venez partager » et cette version anglaise. Nous voulions parler au monde et utiliser les deux langues de l’olympisme. Le français est notre langue, mais les Jeux ne sont pas seulement un événement national. En 2024, Paris accueillera le monde et d’ici le 13 septembre nous devons convaincre les membres étrangers du CIO de venir en France. Ces deux versions du slogan permettent de partager notre projet le plus largement.
La pertinence de l’organisation des Jeux est aussi sujette à caution en raison de leur coût. Quel est le montant estimé de cette organisation pour Paris 2024 et peut-on envisager une quelconque rentabilité d’un tel projet ?
Le budget d’organisation des Jeux est constitué de deux parties : le budget d’organisation et celui d’investissement. Le premier s’élève à 3,6 milliards d’euros et est intégralement financé par le CIO, ses sponsors et la billetterie. Pour le budget d’organisation, celui des compétitions, les Jeux financent les Jeux.
Le budget d’investissement, lui, représente 3 milliards d’euros. Il est financé pour moitié par des investisseurs privés. L’investissement final de la France sera donc de 1,5 milliard d’euros, répartis sur sept ans. L’État, les collectivités territoriales, la Ville de Paris, la Région Ile-de-France et la Seine-Saint-Denis participent à cet investissement pour développer le territoire.
Pour s’assurer que ces Jeux profitent à tous et laissent un héritage durable à la population, les investisseurs publics ne financeront que des infrastructures qui bénéficieront à tous. Ces travaux et équipements ont donc une utilité qui dépasse les Jeux. Selon une étude du CDES, Paris 2024 créera 250 000 emplois en Ile-de-France et aura un impact de 10,7 milliards d’euros au niveau régional. Ce point de départ doit nous permettre de démontrer que les Jeux peuvent être une célébration spectaculaire mais durable qui permettent de faire des Jeux un accélérateur de changement.
Le soutien populaire autour de cette candidature correspond-il à vos attentes et pèse-t-il réellement dans l’attribution des Jeux ?
Aujourd’hui, le soutien est fort autour de la candidature. Les résultats du dernier sondage, réalisé auprès des jeunes entre 15 et 25 ans, le prouvent : 82 % se disent favorables à l’accueil des Jeux en 2024 en France. Paris 2024, c’est la candidature de toute la société française. Pour nous, il était inenvisageable de porter un projet qui ne soit pas mobilisateur. C’est pour cette raison que nous avons mis en place une méthode de concertation ouverte à tous et qui a permis d’enrichir le projet des idées de nombreux acteurs : les collectivités, les syndicats, les acteurs économiques, la jeunesse, etc… Pour répondre à la deuxième partie de votre question, le soutien populaire est effectivement important pour l’attribution des Jeux. Les Jeux sont, au-delà d’un événement sportif, un moment d’accueil du monde par un pays et un peuple. Cet accueil n’est pas le même sans le soutien et la mobilisation. Cependant il faut garder en tête que la cible principale reste les membres du CIO qui voteront à Lima le 13 septembre prochain.
Dans une période récente, de grands événements sportifs organisés en France tels que les Jeux olympiques d’hiver à Albertville en 1992, ou encore la coupe du monde de foot 1998 ou le dernier Euro ont été de grandes réussites. Avez-vous sollicité des retours d’expérience sur ce plan ?
La France a accueilli 40 événements internationaux lors des 20 dernières années ! Ce sont des événements récurrents mais aussi des grands championnats. Grâce à cela, la capacité de la France à accueillir et organiser des grands événements sportifs n’est plus à prouver. L’Euro, par exemple, a été une grande réussite pour les athlètes mais aussi pour le public. La France a accueilli le monde grâce à l’Euro, notamment grâce aux « fan zones » qui ont accueilli plus de 4 millions de personnes dans toute la France.
L’Euro était une célébration populaire et a permis de mettre en lumière le savoir-faire français. C’est ce que nous ferons avec les Jeux. Ces expériences nous permettent d’être confiants : nous serons à la hauteur de nos ambitions en 2024. Nos équipes sont constituées des plus grands professionnels de l’événement sportif. L’Union française des métiers de l’événement, par exemple, nous soutient.
Que reste-t-il aujourd’hui des valeurs de l’olympisme dans un univers sportif de plus en plus professionnalisé ?
Notre vision pour les Jeux Paris 2024 et le mouvement sportif en général, c’est le partage. Nous pensons vraiment que le partage est le moyen de créer une société plus respectueuse, plus inclusive et solidaire. Le partage révolutionne déjà notre façon de vivre, spécialement chez les jeunes. Avec les Jeux, nous voulons partager notre passion pour l’olympisme et ainsi donner du sens à son message et ses valeurs : amitié, respect, excellence. Ces valeurs sont proches des valeurs françaises de Liberté, d’Egalité et de Fraternité. Notre candidature vise à faire progresser l’olympisme et le sport dans la société, et miser sur lui pour changer les choses en matière d’éducation, d’inclusion et de développement durable.
Extrait de La Voix de France n° 566 Juin 2017 consultable ci-dessous
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