Les technologies numériques sont de plus en plus présentes dans le secteur de la santé, depuis les gadgets connectés jusqu’aux dispositifs médicaux communicants de pointe. Une révolution, notamment pour les malades chroniques et ceux éloignés des centres médicaux.
Depuis un an, Janine a changé de montre. Pas pour des raisons esthétiques, mais pour sa santé. Après une alerte cardiaque, son médecin lui a recommandé d’effectuer 10 000 pas par jour, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et elle a décidé de s’en occuper scientifiquement.
Sa montre est en fait un traqueur d’activité, qui mesure le nombre de ses pas, sa consommation de calories, la distance parcourue, son rythme cardiaque… Si elle n’atteint pas ses objectifs, sa montre lui envoie un message. « Cela me permet de mesurer précisément mon activité physique, et de vérifier que je fais bien ce que mon médecin m’a prescrit, souligne-t-elle. Et puis grâce à l’application que ma petite-fille m’a installée, je discute avec d’autres personnes ayant le même objectif, on se motive mutuellement. »
Stents connectés
À l’hôpital aussi, les technologies numériques commencent à apparaître. Le professeur Abdul Barakat, de l’École Polytechnique en France et titulaire de la Chaire AXA en Ingénierie Cellulaire Cardiovasculaire, en est l’un des précurseurs. Il travaille sur les stents, ces petits treillis métalliques insérés dans les artères pour éviter qu’elles ne se bouchent. « Nous équipons ces stents de minuscules capteurs capables de distinguer les différents types de cellules qui recouvrent le stent, indique le chercheur. Nous pouvons ainsi évaluer le risque de bouchage de l’artère, et adapter la durée des traitements comme la prise d’anticoagulants. »
Des tests menés sur des cochons ont montré que ces stents détectaient les caillots de sang et le rebouchage des artères par des cellules musculaires lisses. Le système de communication, lui, fonctionne en laboratoire, mais n’a pas encore été testé sur l’animal. À terme, ces stents connectés enverront les informations sur l’état de l’artère du patient vers son smartphone, ou son médecin. Ils pourraient arriver sur le marché en 2022. Dans un avenir proche, cette technologie fera fi des distances qui séparent le médecin de son patient, facilitant l’adaptation du traitement médical.
Maladies chroniques
Les expériences de Janine et du professeur Barakat ne sont que deux exemples d’un domaine en plein expansion : la santé connectée (ou e-santé). Les technologies numériques investissent aujourd’hui la plupart des activités médicales. Leur principe : mesurer des données médicales, les communiquer à distance, et les analyser. Rythme cardiaque, tension artérielle, glycémie… peu de données résistent aux nouvelles technologies. Avec deux grands domaines : le bien-être connecté, s’adressant au grand public pour l’aider à rester en forme, et la médecine connectée, dans laquelle les médecins ont un rôle clé.
Les personnes souffrant de maladies chroniques, comme le diabète, ont beaucoup à gagner avec les nouvelles technologies médicales. Objectif principal : mesurer régulièrement le taux de glucose par simple contact avec la peau, sans piqûre. D’après une étude de 2015, 6 diabétiques sur 10 auraient déjà téléchargé une application médicale sur leur smartphone ou leur tablette, pour les aider à gérer leur pathologie. Un chiffre bien supérieur à la population générale, ou même aux autres malades chroniques.
Médecine à distance
Cette santé connectée s’avère également très utile pour les personnes éloignées de tout centre médical ou de tout médecin, ce qui est parfois le cas à l’étranger. Il est en effet possible de faire un premier diagnostic à distance, une téléconsultation, puis de décider si une visite médicale est nécessaire. La société française Visiomed a ainsi présenté en janvier dernier le Visiochek, une station mobile de télémédecine connectée. Celle-ci permet par exemple de mesurer sa tension, d’effectuer un électrocardiogramme, de photographier des plaies ou boutons, voire d’ausculter la gorge, et de transmettre ces données à un médecin. La Téléconsultation Médicale, développée par la société AXA, permet également de réaliser une consultation de médecine générale par téléphone, en France ou depuis l’étranger. Ce service simple et innovant permet au patient, situé n’importe où dans le monde, de discuter avec un médecin 24h sur24 et 7 jours sur 7. Ce dernier pourra, si nécessaire, transmettre une ordonnance à la pharmacie choisie (en France) ou directement au patient si ce dernier se trouve dans un autre pays européen.
Les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque, peuvent aujourd’hui mesurer automatiquement certains paramètres comme la tension ou le rythme cardiaque, et envoyer ces données au médecin traitant. Si ce type de dispositif ne remplace pas une consultation classique, il permet dans certains cas de s’adapter aux zones où peu de médecins sont présents.
D’autres applications aident tous ceux qui s’occupent de personnes âgées ou dépendantes (médecins, infirmières, aides-soignantes, proches…) à communiquer très efficacement en se transmettant les données médicales.
Risques de piratage
Cependant, pour réellement s’implanter, les dispositifs de santé connectée devront surmonter quelques obstacles, comme le coût ou la facilité d’utilisation. Mais il importe surtout de progresser sur les questions de sécurité. « Si l’on implante de nouveaux matériaux dans le corps, il faut connaître leur effet physiologique, rappelle le professeur Barakat. Par ailleurs, l’information émise par les dispositifs, ou dans certains cas les dispositifs eux-mêmes, sont susceptibles d’être piratés. »
Dès 2012, un expert en informatique avait montré qu’il était possible de prendre le contrôle de pacemakers connectés, en envoyant des instructions erronées au dispositif, créant ainsi des risques pour le patient. Les constructeurs doivent donc être conscients des risques et créer des parades.
Médecine personnalisée
À condition de contrôler ces risques, rien ne semble pouvoir arrêter la santé connectée. D’autant plus qu’elle est liée à une autre tendance médicale forte : la médecine personnalisée. Pour le professeur Barakat, c’est même une révolution. « Demain, beaucoup d’implants et de dispositifs seront connectés et communicants. Nous avons besoin de médecine plus personnalisée. On le voit bien en cardiologie : après la pose d’un stent, certaines personnes ont besoin d’anticoagulants pendant seulement deux mois, d’autres pendant des années. Les dispositifs connectés permettent cette médecine personnalisée. Cela pourrait révolutionner le traitement d’autres maladies, comme le cancer. »
Lucie Martin
Extrait de La Voix de France n° 566 Juin 2017 consultable ci-dessous
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