Mais qui ? Les Français de l’étranger ! Ainsi commençait l’édito de notre Président Ernest Pezet qui s’adressait, en 1948, sans langue de bois, à nos compatriotes établis hors de France ! Le Conseil supérieur des Français de l’étranger (devenu l’AFE), crée à l’initative de notre association,venait de tenir sa première session. L’AFE vient de fêter ses 70 ans. Rafraichissant.
Editorial de La Voix de France de Décembre 1948 qui suivit la première session du CSFE par le Président de l’UFE Monsieur Ernest Pezet
Ils sont enfin quelque chose !
Les Français de l’Etranger, ces anonymes, ces inconnus, ces oubliés, viennent d’entrer, et par la grande porte, dans les Conseils du Gouvernement de leur Pays : créé en juillet, le Conseil Supérieur des Français de l’Etranger a tenu sa première session les 12 et 13 novembre.
Les Français de l’Etranger, ces « a-politiques », ces citoyens sans pouvoirs et presque sans droits civiques, traités avec d’autant plus de désinvolture et d’indifférence qu’ils ne représentaient aucun intérêt électoral, sont devenus une des préoccupations et un des éléments de notre vie politique et parlementaire.
Voilà deux faits capitaux ils marquent l’aboutissement d’un quart de siècle d’efforts de l’Union des Français de l’Etranger et des organisations-sœurs- ; ils sont, pour ainsi dire, comme une borne militaire à partir de laquelle seront comptées les étapes futures de cette France Extérieure que sont les colonies de Français expatriés à travers les cinq continents.
Je sais —et j’ai le droit de m’en étonner —- que nombre de compatriotes de proches ou lointains Pays paraissent trouver la chose naturelle. Il m’a même été donné d’entendre — sans plaisir des réflexions singulières : ignorant presque tout des multiples et. grandes difficultés qu’il nous a fallu vaincre pour obtenir la consécration officielle gouvernementale et parlementaire — de l’existence et des activités des Français de l’Etranger, c’est tout juste si certains ne nous font pas reproche de nous- être indiscrètement occupé d’eux et de leurs intérêts, d’avoir eu, sans leur préalable autorisation, l’idée singulière et l’originalité de ne pas les laisser à leur abandon !
Je recenserai un jour le nombre de séances du Conseil de la République où il a été question des Français de Etranger ; le nombre de pages du Journal Officiel consacrées à leurs problèmes et aux longs et difficiles débats sur leur représentation au Conseil de la République ; le nombre des lettres adressées et des démarches effectuées à la présidence du Conseil, aux Affaires Etrangères et à d’autres ministères par notre Directeur, M. Wernlé, et par moi-même pour le service de nos concitoyens de l’Etranger.
Peut-être alors, ceux qui paraissent trouver toute naturelle l’officielle « prise en considération » des Français de Etranger, ceux qui ne se satisfont pas de cet imparfait mais décisif début de «normalisation démocratique » de l’élection de leurs représentants au Conseil avec la participation des Conseils de leurs Associations formant « collège électoral », peut-être alors, dis-je, modifieront-ils un peu leur jugement.
Mais qu’importe de subjectives appréciations ? Et qu’importe leur injustice ?…
Qu’étaient hier les Français de l’Etranger dans les activités OFFICIELLES de leur Patrie ? Peu de chose, à peu près rien.
Que sont-ils aujourd’hui ? Ils sont enfin « quelque chose », et même beaucoup.
Ils sont, en effet, en prise directe sur le Gouvernement — par le Conseil Supérieur et sur le Parlement — par leurs représentants élus. Ils sont dans le circuit, et non plus hors du circuit de la vie publique française.
Sans leurs associations « centrales », surtout, j’ai le devoir de le dire sans fausse modestie, sans l’Union des Français de l’Etranger, les Français de l’Etranger seraient restés ce qu’ils étaient, à leur grand déplaisir, à leur grand détriment : des oubliés, des inconnus, des anonymes, quand ils n’étaient pas des gêneurs.
Et maintenant, et demain? Le « rendement » de leur Conseil Supérieur et l’efficience de leur représentation parlementaire dépendent de leur propre efficience, je veux dire de leur solidarité, de leur activité, de leur collaboration au sein de leurs Associations :
D’abord, des Associations créées ou à créer, et à confédérer dans leur Pays de résidence ;
Ensuite, des Associations Centrales,, et spécialement de l’Union des Français de l’Etranger, auxquelles l’art. 60 de la loi électorale du Conseil de la République a donné une consécration officielle et légale. Cette consécration est d’une extraordinaire, d’une exceptionnelle importance ; elle m’a personnellement donné bien de la peine ; elle a passé mes espérances : nos Associations ont-elles conscience de l’ampleur de ce fait sans, précédent? Laquelle d’entre elles aurait osé l’espérer, ou même l’imaginer, il y a seulement six mois, ou un an, par exemple lors de notre Congrès de 1947 ?
Mais qu’elles ne s’y trompent pas : cette consécration leur crée des devoirs ; elle les met pour ainsi dire en demeure de faire leurs preuves, et d’abord la preuve de leur « réalité » substantielle et de la valeur exacte de leur qualification ».
Pour ce qui est, en tout cas, de notre Union des Français de l’Etranger, elle en a pleinement conscience. Elle sait que, plus qu’avant, elle doit accroître ses effectifs, recruter des ressources, mettre en œuvre tous ses moyens, car sans elle, sans son activité accrue, sans sa présence constante « sur le chantier », le Conseil Supérieur — dont son Directeur a été élu Vice-Président, à la satisfaction unanime et selon l’attente générale — n’aura pas d’efficacité.
Entre les réunions semestrielles, qui donc préparera les études et travaux ? Qui suivra pas à pas le processus d’exécution des vœux et décisions ? Qui aiguillonnera au besoin les Pouvoirs publics et la représentation parlementaire ?
Qui enquêtera, qui recevra suggestions et rapports, qui les transmettra et en soutiendra la discussion préalable ? Les Associations centrales, évidemment, et surtout l’Union des Français de l’Etranger ; sans qu’elle prétende à un monopole — et elle l’a prouvé —, elle n’en reste pas moins parce que non spécialisée, le lieu géométrique des activités françaises de l’extérieur, le point de rassemblement, de coordination, bref, l’organe d’étude et d’action et l’agent de liaison indispensables.
Organisation enfin cohérente des Colonies françaises à l’Etranger, laquelle implique une «coordination », voire même, si possible, une « confédération », de leurs œuvres et associations, dont l’individualité doit être respecté, mais l’individualisme condamné et combattu ;
Liaison organique, étroite, efficace de chacune de ces Colonies organisées avec leurs associations centrales de la Métropole, et notre Union ;
Renforcement de l’Union par recrutement de plus nombreux adhérents, par accroissement de ses ressources et de ses moyens d’action — finances et hommes ;
Activité méthodique et incessante du Bureau et de la direction de l’Union, s’exerçant sur le Parlement, les Administrations, le Conseil Supérieur.
Voilà le plan d’action imposé aux Français de l’Etranger par la consécration officielle qu’ils ont enfin reçue. Cette première reddition de justice se double d’un honneur ; ils l’apprécieront- tous, sauf les dyspeptiques et les atrabilaires.
Comme tous les honneurs, celui-ci est une charge. On ne sert ni ne sauve les gens malgré eux. Ni même sans eux.
Nous sommes au service de la France à travers les Français de l’Etranger. A chargé pour eux de nous aider à servir la France en les servant. Honor, onus.
Ernest PEZET,
Président de l’U.F.E.( de 1945 à 1960)
Vice-Président de la Commission des Affaires Etrangères
Consulter l’intégralité de La Voix de France de décembre 1948
Consulter l’intégralité de La Voix de France de juillet-aout 1948 suite à la parution du decret officialisant la création du CSFE
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