Tribune Libre

Par le Sénateur Louis Duvernois.

Cette rubrique de libre parole est ouverte aux parlementaires membres de notre association qui ne trouvent pas toujours dans les médias classiques un écho à leur mission au service de la communauté française expatriée.

LES FRANÇAIS DE L’ETRANGER, CES INCONNUS DANS LA MAISON FRANCE

Le rapport sur le retour en France remis au Premier ministre par l’ancienne ministre chargée des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret, redevenue sénatrice, me laisse dubitatif car éloigné de nos préoccupations de terrain et ce, essentiellement pour deux raisons.

Pourquoi cette analyse  intervient-elle maintenant alors que l’auteur de ce rapport a été Ministre en charge des Français établis hors de France pendant de longs mois? Pourquoi reconnaître « comme une évidence que les Français de l’étranger ne trouvent pas à leur retour en France des réponses aux questions qu’ils se posent » ?
Ce rapport élude les vrais sujets relatifs à la mobilité internationale et à l’expatriation grandissante.  On sent l’embarras de l’auteur à aborder frontalement une émigration volontaire et largement incontrôlée.

La situation budgétaire, économique et fiscale en France est désastreuse. Les mauvaises perspectives de l’emploi, le comportement malthusien des « Grandes Écoles » (quelles sont les Petites!), rendent plus difficile l’accès à l’insertion professionnelle pour nombre de diplômés et freinent la créativité et l’esprit d’entreprendre.
La situation de notre pays n’encourage guère la mobilité sur le territoire national où la perception de l’emploi à vie dans le secteur public continue à prévaloir dans un État exsangue mais toujours centralisé.

« La gauche », ne lui en déplaise, n’a plus de vision réformatrice. Beaucoup de nos concitoyens, surtout les plus jeunes, n’acceptent plus ce conservatisme institutionnel et l’assistanat. Ils choisissent de partir à l’étranger.

Mal connus, mal aimés, objet parfois de jalousie et de frustration, admet l’auteur du rapport, ces Français « pas comme les autres » que les médias s’obstinent encore, par ignorance ou pour faire chic, à appeler des « Expats » sont plus de 8% à n’avoir jamais résidé en France, 47% à être partis depuis plus de 6 ans, une majorité d’entre eux étant binationale.
Ces quelques statistiques sont toutefois insuffisantes pour comprendre ce que sont et deviennent les communautés françaises à l’étranger. On aurait ainsi souhaité plus d’analyse pour apporter un éclairage plus concret à un  Premier ministre qu’on peut croire sensible aux questions migratoires puisqu’il l’a vécu dans sa jeunesse.

Nous restons dans l’approximation. Ce rapport ne pose pas les bonnes questions. Comme le dit d’ailleurs François Barry Delongchamps, président délégué de l’UFE et bon connaisseur du sujet, « Le parti pris retenu dès le départ dans ce rapport est évidemment de ne rien changer » sous couvert de constatations verbeuses.

Des justifications peu convaincantes sont avancées par l’ancienne ministre chargée des Français à l’étranger. Elle aurait été au demeurant plus inspirée dans ses fonctions ministérielles en réclamant alors la mise en place d’une grande enquête documentée sur l’évolution de la composition sociologique des communautés françaises à l’étranger.

A défaut d’informations actualisées, ce rapport énonce une série de propositions administratives, et pas toujours adaptées au nouvel environnement migratoire.

Le retour s’effectuerait sous l’égide d’un « coordonnateur interministériel », nommé par le gouvernement, qui devrait mettre en œuvre  les diverses préconisations du rapport. On peut déjà imaginer les difficultés pour établir des concertations entre des ministères soucieux chacun de leurs prérogatives.

L’IMPOSSIBILITÉ ACTUELLE DE PROCÉDER À DES CHANGEMENTS

Cette fausse naïveté de l’auteur démontre la difficulté de travailler  en concertation avec les élus et les administrations pour procéder aux changements . Il aura fallu, par exemple, plusieurs années pour qu’à l’invitation du ministre des Affaires étrangères et du Développement international, sur pression insistante des élus, conseillers et parlementaires, le ministre de l’Éducation nationale daigne se rendre à une première réunion, en novembre dernier, sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger. Avec encore des absents de taille, les ministres du Budget, de l’Enseignement supérieur et du Commerce extérieur !

Attendons la suite de ces premiers pas sur un sujet prioritaire pour nos compatriotes.

L’ancienne ministre reconnaît clairement « l’impossibilité méthodologique (sic) rencontrée de constituer un échantillon de contributeurs représentatifs ». C’est peu convaincant !
Ne parlons même pas du départ de ces Français puisque les autorités publiques ont depuis longtemps abandonné tout contrôle statistique aux frontières et tout enregistrement des personnes dans les mairies.

Comment alors connaître et interpréter ce qu’on ne maîtrise pas !

Ce manque de  méthode conforte en réalité une volonté corporatiste sous-jacente de maintenir en l’état une fonction publique de plus en plus déconnectée du monde actuel.

Il faut certes changer notre perception sur nos compatriotes expatriés notamment  en matière d’assurance maladie (les étrangers sur le territoire national sont souvent mieux traités qu’eux!),  de fiscalité où nous avons le plus grand mal à faire comprendre notre singularité, de relations avec les administrations centrales et les services consulaires, etc.

Nous avons vraiment besoin que l’on porte un autre regard sur les Français établis hors de France pour mieux les connaître et les accompagner afin de faciliter leur réintégration dans l’hexagone.

L’UFE, créée en 1927, association reconnue d’utilité publique, est très consciente de ces enjeux du 21ème siècle et oriente son action associative vers un appui informatif et personnalisé auprès des candidats au départ comme au retour.

Les Français qui osent et qui entreprennent en France comme ailleurs  manifestent leur volonté d’affronter la globalisation d’un monde en participant au rayonnement de notre pays et à son influence, chacun à leur manière où qu’ils soient.

Louis DUVERNOIS
Sénateur des Français établis hors de France
Rapporteur budgétaire de l’Action extérieure de l’État

Pour contacter le Sénateur Louis Duvernois : l.duvernois@senat.fr

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