La Niva, arme russe d’exportation massive, fête ses 40 ans

La Lada Niva est comme un menhir. Alors qu’elle vient de souffler, le 5 avril, sa quarantième bougie, elle semble ne pas avoir pris une ride – ni dans son aspect, ni dans le cœur des automobilistes. Le Courrier de Russie a décidé de dresser un portrait technique du légendaire 4×4 soviétique, en guise d’hommage à son créateur, Piotr Prousov, décédé quelques jours seulement avant cet anniversaire.

 

La Niva est seule Lada à avoir conquis les six continents. Crédits : S.Kazakov/AvtoVAZ

La Niva, cet heptagone d’acier posé sur quatre roues motrices, n’a pas de frontière. On la voit traverser des marais, se libérer des tentacules de la boue campagnarde, rejoindre l’Arctique, grimper des escaliers dans les montagnes du Caucase… On la croise aussi bien sur les routes étroites du Pérou que dans un virage ombragé des Pyrénées.

La Niva, présente dans le monde entier, c’est surtout un concentré de Russie à la portée de tous. Des suspensions au plus proche des réalités russes, une direction ferme et une consommation de combustible à faire tourner de l’œil un économiste allemand.

La Niva, c’est un vrai tape-cul, en somme, mais un tape-cul ayant su surmonter tous les obstacles que Mère Histoire a dressés sur sa route, sans jamais rétrograder.

La naissance d’une légende

Lada Niva dans les années 1980. Crédits : AvtoVAZ

L’histoire de la Niva commence comme tout conte soviétique qui se respecte. Un beau jour de l’an 1970, le Conseil des ministres de l’URSS charge les trois grandes usines automobiles du pays – VAZ, AZLK et Ijmach – de concevoir un « véhicule tout-terrain offrant le confort d’une voiture » pour la campagne russe.

Des groupes de travail sont créés chez chacun des constructeurs. Piotr Prousov, jeune ingénieur fraîchement diplômé en construction automobile, intègre celui de l’usine VAZ de Togliatti (actuelle AvtoVAZ, détenue à 50,01 % par l’Alliance Renault-Nissan).

Le projet de tout-terrain de VAZ se démarque immédiatement par une caractéristique innovatrice majeure : sa caisse autoporteuse. « C’était une première dans la pratique mondiale, se souvenait Piotr Prousov en 2016, dans une interview pour la revue Kultura. Mais le but n’était pas de faire dans l’originalité – simplement, l’usine VAZ ne produisait pas de châssis. On a fait avec ce qu’on avait ! »

Piotr Prousov chez VAZ. L’ingénieur est mort le 19 mars à 75 ans. Crédits : AvtoVAZ

VAZ l’emporte sur ses concurrents. Et, en 1972, Prousov est nommé premier ingénieur du projet VAZ-2121, alias Niva, clin d’œil aux filles de Piotr – Natalia et Irina – et aux fils du technicien en chef Vladimir Soloviev – Vadim et Andreï.

La première « vraie » Niva, dans son aspect actuel, voit le jour en 1976. Outre la caisse autoporteuse, elle comporte d’autres éléments révolutionnaires pour l’époque, comme une suspension avant indépendante et des freins à disque. Le 4×4 remplit aussi les exigences étatiques originelles : avec ses 3,74 mètres de long et son poids d’1,2 tonne, elle ressemble à une voiture. Enfin, le lancement de la commercialisation, en 1977, ouvre une nouvelle page dans l’histoire du constructeur, la Niva devenant le premier modèle « original » construit dans cette usine, qui, depuis 1970, ne produisait que des dérivés de la Fiat 124.

Après avoir fait le bonheur de l’ouvrier et de la kolkhozienne russes, la Niva est envoyée, en qualité d’ambassadrice, au Salon de l’automobile de 1978, à Paris, afin de tenter de conquérir le cœur du paysan et du bourgeois européens.

« À l’époque, malgré ce que certains affirment aujourd’hui, personne ne se doutait du potentiel de la Niva à l’étranger. Le vrai déclic s’est produit en 1978-1979, lorsque l’Allemagne et la France ont été touchées par de fortes chutes de neige. À Hambourg, les seules voitures qui pouvaient encore circuler étaient des Niva. Cet épisode a déclenché une vraie folie de la Niva ! On est passé d’une production annuelle de 25 000 voitures à 75 000 », se remémorait Prousov dans un entretien accordé à la revue Itogui en 2012.

Première Niva Vaz 2121 produite en 1977. Crédits : AvtoVAZ

Face à la Niva légère, compacte, robuste et économique ne se dressaient alors sur le marché que de bons vieux tout-terrains lourds, encombrants et très chers. « Il a fallu attendre une dizaine d’années pour voir apparaître le premier concurrent sérieux de notre 4×4 : la Suzuki Vitara », poursuivait l’ingénieur.

Dès lors, les exportations du tout-terrain soviétique explosent. Selon les chiffres d’AvtoVAZ, sur les 2,5 millions de Niva produites depuis 1977, plus de 530 000 ont été vendues à l’export. « C’est la seule Lada ayant conquis les six continents ! », se félicite l’entreprise. Et c’est aussi l’une des seules voitures au monde qui, en 40 ans, n’a pas subi de relooking complet.

« Chez AvtoVAZ, ils se sont toujours dit : À quoi bon changer, puisque la voiture se vend bien ? », précisait Piotr Prousov dans son entretien à Itogui, avec une pointe de regret.

Une bonne mauvaise voiture

Publicité pour la Lada Niva California

Youri Efimov connaît bien l’éternel 4×4 de VAZ. Journaliste indépendant, il est l’initiateur de plusieurs sites informatifs de référence sur la Niva, tels LADA 4×4 et le Club officiel Lada, ainsi que d’une chaîne YouTube spécialisée dans les tests des nouvelles versions.

Pour l’expert automobile, la clé du succès de ce véhicule est le résultat d’une équation simple. « La Niva permet d’aller partout et coûte relativement peu cher, autant à l’achat qu’en termes de pièces détachées. C’est la troisième voiture idéale : pour le plaisir, le week-end… », explique-t-il au Courrier de Russie, soulignant que le prix d’un modèle neuf de base démarre à moins de 500 000 roubles (8 300 euros).

Vladimir Poutine en possède d’ailleurs une depuis 2009, qu’il dit n’utiliser que très rarement, pour ses promenades sur les chemins de montagne de Sotchi. « Globalement, c’est une bonne voiture », avait-il commenté en 2010, cité par RIA Novosti. Et pour cause : dans la foulée, le président russe avouait avoir remplacé le moteur originel par un Opel…

« Il est certain que la Niva a énormément de défauts, reconnaît Youri Efimov. Le moteur d’origine présente de nombreuses fragilités, la boîte de vitesse est faible, l’habitacle vibre et est peu insonorisé, elle consomme beaucoup, ne dispose d’aucun accessoire de sécurité… »

« Une mauvaise voiture, quoi ? », laissé-je échapper.

« Mais elle vaut son pesant d’or ! C’est aussi une voiture compacte, petite, légère et passe-partout, au volant de laquelle on se sent un vrai homme ! », me remet à ma place le passionné.

Vladimir Poutine et sa Niva. Crédits : AvtoVesti

La Lada Niva heptagone ultra-tout-terrain pourrait toutefois vivre ses derniers instants. La direction d’AvtoVAZ a annoncé la sortie d’une Lada 4×4 nouvelle génération, sur la base du Duster, dans les années à venir. Une décision que Piotr Prousov avait très justement commentée plusieurs fois avant sa mort, le 19 mars : « Une voiture, ce n’est pas comme un bon cognac – ça ne se bonifie pas avec l’âge ! »

Le saviez-vous ?

La Lada Niva ne s’appelle plus Niva mais Lada 4×4 depuis 2002 et la formation de la coentreprise GM-AvtoVAZ, qui produit sa propre Chevy Niva.

Le dernier modèle en date est la Lada 4×4 Urban, produite en 2014 et qui possède un pare-chocs en plastique au lieu du métal historique et propose, en option, l’ABS et la climatisation.

Comptez 250 000 roubles pour une Lada 4×4 d’occasion à Moscou, âgée de moins de quatre ans et affichant moins de 40 000 km au compteur.

Environ 36 000 modèles de Niva ont été immatriculés en France depuis 40 ans.

Article paru le 11 avril 2017 dans LE COURRIER DE RUSSIE

https://www.lecourrierderussie.com/culture/2017/04/lada-niva-arme-russe-40-ans/

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