Français d’Italie et de San Marin. La vie Continue.

Aucun Français n’est seul à l’étranger. Pas facile de maintenir le lien quand un tiers de la planète est confinée. Sylvain et Maria en Italie et Jean-Marc à San Marin témoignent de leur quotidien. 

Maria, Jean-Marc, Sylvain, qui êtes-vous  ? Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Sylvain Piacenza : Je suis installé dans la péninsule depuis 2001 ayant séjourné au préalable entre 1990 et 1992 comme étudiant à Milan. Je travaille aujourd’hui pour un important cabinet de conseil patrimonial dédié aux Français de l’étranger. De par mes origines familiales italiennes, j’ai passé tous mes étés en Italie depuis mon plus jeune âge. J’ajoute, à ma charge, avoir également une épouse italienne, mais sur les prénoms de mes enfants, c’est Julien et Pierre! J’estime, à tort ou à raison, bien connaitre l’Italie aujourd’hui.
 
Maria Massa : Après avoir passé la plupart de ma vie professionnelle à Paris, travaillant à la banque, j’ai décidé il y a cinq ans désormais, de redécouvrir mon pays natal et d’y retourner pour m’y installer. Toutefois, pour les Italiens je suis « la francese » et pour les Français je suis restée « l’Italienne », ce qui me fait penser aujourd’hui que j’ai la chance d’être un mélange de deux plus beaux pays au monde. Je suis rentrée en Italie avec plein d’idées, ouvrir un cabinet de conseil en stratégie financière pour aider tant les particuliers que les entreprises à s’en sortir avec les banques et la gestion de leur trésorerie et travailler avec les fonds UE, ouvrir un b&b pour accueillir mes amis d’autres pays, acheter une petite maison à la mer….
Et voilà ce qui est fait, ce pays a tellement à donner que sortir des sentiers battus est compliqué mais gratifiant à la fin…
 
Jean-Marc Tierce : Apres avoir résidé plus de 35 ans à Paris, nous avons décidé, ma femme et moi de vivre une vie moins stressante.
J’ai donc abandonné en 1987  mon métier d’ingénieur-conseil après avoir collaboré avec les plus gros « engineering » français dans les domaines du nucléaire, pétrole et surtout du génie climatique.
Mon épouse était d’origine sicilienne , toute sa famille avait après-guerre trouvé refuge a Pesaro , à quelques  kilomètres de Saint-Marin. Avec son expérience de coiffeuse dans le centre de Paris, il lui fut très facile de retrouver une occupation professionnelle .
De mon côté, afin de réaliser un rêve de gosse et fort de mon carnet d’adresses international, j’ai décidé de monter une société d’import-export d’automobiles neuves multimarques ( de préférence italiennes et…rouges !) et je devins donc un des plus importants fournisseur et grossiste des mandataires automobiles français ainsi que belges, allemands, espagnols, suisses….en collaborant avec tous les plus gros concessionnaires automobiles de l’Emilia Romagna, des Marches etc...

Où êtes-vous en ce moment ? 

Sylvain Piacenza : Je suis aujourd’hui en quarantaine à la maison avec toute ma petite famille. Bon, cela aurait pu être pire, je suis au bord du lac de Garde… Le travail s’organise plutôt bien, le travail à la maison et à distance faisant déjà partie intégrante de mon quotidien. Malheureusement, pour l’école à distance, ce n’est pas encore ça. On se rend compte que l’éducation nationale italienne n’avait pas prévu de former son personnel à l’informatique. 
 
Maria Massa : En ce moment nous sommes confinés et je travaille à distance avec mes clients, malheureusement en ces circonstances les entreprises ont encore plus besoin de moi car je m’occupe aussi du patrimoine de quelques clients étrangers et d’entreprises qui ont du mal à s’en sortir. Malgré les différents décrets émis par le Gouvernement italien, les entreprises souffrent atrocement de manque de liquidités.
 
Jean-Marc Tierce : Je suis bien sur confiné mais étant maintenant à la retraite, j’ai évidemment l’esprit plus tranquille…

Quelles sont les mesures prises en Italie dans vos régions respectives et à San Marin pour lutter contre l’épidémie de COVID – 19 ?

Sylvain Piacenza : Toutes les activités définies « non essentielles » sont interdites à ce stade. Cette mesure, totale et indiscriminée, fera couler beaucoup d’encre dans les prochains mois. Certains soulignent l’exemplarité de l’Italie et le courage de ses dirigeants pour ces mesures. Il semblerait néanmoins que ceci soit plus un aveu d’impuissance, sans pouvoir efficacement identifier les positifs au virus on place toute la population en quarantaine. D’autres, comme la Corée du sud et Hong Kong, fort de leurs expériences passées avec des pandémies ont mis en place un « screening » efficace et moins destructeur de libertés et d’activités.
Néanmoins, le temps de la polémique n’est pas encore arrivé. Il est important à ce stade, ne serait-ce que pour éviter des poursuites pénales, d’obéir scrupuleusement aux consignes et lois annoncées par les autorités italiennes. Nous n’avons pas le choix.
 
Maria Massa : Dans le Latium mais aussi en Campanie et dans beaucoup d’autres régions du Sud, nous avons les mêmes restrictions : nous ne pouvons pas sortir si ce n’est que pour des situations d’urgence. Les commerces et la plupart des entreprises sont fermés et aller faire les courses c’est une fois par semaine, pour ne pas être contaminés par le virus. Chez nous on désinfecte tous les jours, tant il est vrai que les supermarchés sont en rupture de stock pour les produits de désinfection. 
Une ville à coté de Formia, où j’habite, dans le sud du Latium, à la mer, a été déclarée ‘zone rouge’. Cela signifie que plus personne ne peut ni rentrer ni sortir sauf les camions qui vont s’approvisionner de denrées alimentaires. Dans cette ville (Fondi), en effet, il y a la plupart de vendeurs de gros de marchandises alimentaires d’Italie, ce qui nous inquiète beaucoup car de cette façon, la contagion peut très vite se répandre.
 
Jean-Marc Tierce :  Saint-Marin s’est transformé en Fort Alamo depuis plus de 20 jours et cette semaine les forces de l’ordre sont omniprésentes jour et nuit sur tous les axes routiers principaux qui nous relient avec l’Italie ( les axes secondaires sont fermés) on se croirait dans un film de Costa Gavras !
Par contre les Autorités de Saint–Marin ont très bien géré en anticipant la propagation du virus. Depuis plus de trois semaines plus personne ne sort de chez lui sans son masque et sans une attestation sur l’honneur indiquant le motif de son déplacement.

Comment l’UFE parvient elle à maintenir le lien social à distance ?

Sylvain Piacenza : Nous, représentants de l’UFE restons à disposition de nos compatriotes pour les informer, les soutenir moralement, ou simplement discuter. A ce titre, il est important de le répéter sans cesse, inscrivez-vous au consulat! Celui-ci nous transmet les messages de notre ambassade et de nos représentants officiels. En cas de danger, nous voyons bien l’intérêt d’être joignable et informé, même si nous ne sommes qu’à quelques kilomètres de la France.
 
Maria Massa : A l’UFE, nous essayons d’être le plus près des gens aussi grâce à des initiatives que l’Ambassade a mis en place et qui nous mettent en première ligne. Grace aux conseillers consulaires et à l’Ambassade et au chef de la section consulaire, M.me Camille Pauly, nous avons mis en place un réseau Solidarité Coronavirus, qui prévoit la montée en puissance des services téléphoniques de l’Ambassade de Rome, une cellule de soutien psychologique, une foire aux questions sur le COVID – 19 ainsi que la diffusion auprès des inscrits au Registre des français de l’étranger, de toutes les coordonnées des représentants des associations du Sud de l’Italie. Cela nous permet de couvrir soit physiquement, soit par le biais du téléphone ou des vidéoconférences, de la Toscane jusqu’en Sicile en passant par la Sardaigne et l’État de Saint Marin. Le réseau est organisé par des bénévoles et par des collaborateurs de l’Ambassade et du Consulat de France à Rome. Nous essayons de faire en sorte que personne ne soit isolé.
 
Jean Marc Tierce : Heureusement les nouvelles technologies me permettent de rester en contact avec les Français….(ou plutôt les San Marinais nés en France) mais les gens sont depuis 2 mois déboussolés par cette situation très tendue et pensent uniquement á la santé de leur propre famille sur place, je les rassure, fort de mon expérience quasi similaire d’isolement sur les divers chantiers en Irak…

Des conseils pratiques pour mieux vivre l’isolement social ?

Sylvain Piacenza : Nous pourrions, par ailleurs, profiter de ce moment funeste pour nous rapprocher au moins « virtuellement », voici un lien pour vous connecter en vidéoconférence à notre UFE tous les mardis à 17:30 en cliquant ici: https://us04web.zoom.us/j/148511383
 
Maria Massa : Mes conseils pour mieux vivre l’isolement social en période de confinement ? Je ne savais pas comment affronter cette période surtout du point de vue psychologique car étant une personne extrêmement sociable, j’appréhendais beaucoup. En effet, après je me suis rendue compte qu’il fallait installer une routine ; surtout ne pas abandonner ses habitudes de travail, de sport, religieuses,…. Maintenant au lieu de la danse classique, je me suis mise au Tai chi et je suis en train de suivre un cours de russe tout en travaillant et en essayant de rendre service à mes deux Pays.
 
Jean-Marc Tierce : La perspective de ce qui se passera après… Dès que ce sera possible,  j’ai  déjà promis à tous les membres d’organiser une soirée au « Gambero Rosso » le meilleur resto de Riccione situé au bout du port dans un cadre idyllique !

Un petit message pour les Français aux 4 coins du monde ?

Sylvain Piacenza : Français de tous les pays, la baisse du tourisme cet été risque d’être féroce, l’Italie est une destination unique qui pourra vous combler, venez nombreux !
 
Maria Massa : INSIEME CE LA FAREMO (On y arrivera tous ensemble) / ANDRA’ TUTTO BENE (Tout ira bien). Ce sont les slogans qu’on voit un peu partout pour se donner du courage mutuellement… On les voit sur les vitrines des commerces fermés, aux balcons,….
 
Jean-Marc Tierce :  « J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur mais la capacité de la vaincre…. cela semble impossible….jusqu’à ce qu’on le fasse » (Nelson Mandela)
 
Un grand merci à tous les trois pour vos témoignages !
 
 
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