Le règlement des successions internationales se complexifie en France. La loi n°2021-1109 du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République, vient d’instaurer un droit de prélèvement compensatoire « à la française ». Celui-ci a pour vocation de garantir l’efficience de la réserve héréditaire prévue par le droit français.
Ce que cela implique
Ainsi, dès lors qu’un défunt a effectué une ou plusieurs dons et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants droits pourra effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès. Toutefois, la mise en œuvre de ce droit de prélèvement compensatoire est conditionnée soit à la nationalité, soit à la résidence habituelle du défunt ou au moins de l’un de ses enfants au moment du décès dans un Etat membre de l’Union Européenne.
Dans ce contexte, il appartiendra désormais au notaire lors du règlement de la succession d’informer individuellement chaque héritier de son droit de demander la réduction des dons qui excèdent la quotité disponible.
Qu’est-ce que la réserve héréditaire ?
La réserve héréditaire est un mécanisme juridique qui permet à certains héritiers, les descendants et à défaut d’eux le conjoint survivant, d’être protégé d’une trop grande liberté de disposer de leur auteur. Elle assure ainsi la solidarité familiale et la conservation des biens dans les familles.
Principe d’ordre public en droit interne français, sa valeur s’est vue affaiblie ces dernières années dans l’ordre international par les tribunaux français dès lors qu’une loi successorale étrangère méconnaissait son principe. Le législateur consacre aujourd’hui la réserve héréditaire de principe républicain.
Des héritiers français protégés lorsqu’ils vivent dans un Etat de l’Union européenne
Bien que inscrit dans le cadre de dispositions relatives au respect des droits des personnes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, le nouveau texte vise particulièrement en pratique la plupart des pays de common law qui ne connaissent pas de mécanisme de réserve héréditaire.
En pratique
Par exemple, dans le cadre d’une succession régit par la loi de l’Etat de New York, Etats-Unis, lorsqu’un défunt de citoyenneté américaine a prévu une libéralité accordant des droits absolus au conjoint survivant, si un des héritiers a sa résidence habituelle au moment du décès dans un Etat membre de l’Union Européenne, ce dernier pourra faire jouer un droit à prélèvement compensatoire sur les biens situés en France ; qu’ils soient meubles ou immeubles et ainsi se voir attribuer une part.
Le dispositif remet en cause le choix et l’unicité de la loi applicable au partage des biens successoraux prévue par le Règlement Européen sur les successions 650/2012 du 4 juillet 2012.
Bien que la loi se veuille protectrice des héritiers, son introduction dans notre système français risque de mettre à mal le règlement des successions internationales en créant une insécurité juridique dans toute planification successorale à venir et ouvrir la boîte de pandore aux contentieux successoraux.
Mise en place et révision de vos dispositions testamentaires
Le droit de prélèvement compensatoire entre en vigueur le 1er novembre 2021 et s’appliquera aux successions ouvertes à compter de cette date. Toutefois, dès aujourd’hui il devient nécessaire de revoir toute planification successorale dans un contexte international.
Enfin, la constitutionnalité de cette nouvelle mesure n’a pas été statuée par le Conseil Constitutionnel non saisi, aussi une question prioritaire de constitutionalité sera la bienvenue
Angélique Devaux
Notaire à Paris au sein de Cheuvreux, spécialisée en droit international de la famille.
a.devaux@cheuvreux.fr
- 22 octobre 2021