Le contrat de mariage : outil indispensable aux couples internationaux

Il n’est pas toujours facile, voire mission impossible, de parler des conséquences d’une séparation à son futur conjoint alors que le mariage n’est même pas encore célébré. Pour cette raison, beaucoup de couples ne s’en préoccupent pas et s’en remettent au destin. D’autres, non moins romantiques mais peut-être plus prévoyants, font le choix de la sécurité et concluent un contrat de mariage. On vous explique tout.

Bien trop souvent, les expatriés se rendent compte des difficultés inhérentes aux différents aspects internationaux de leur situation familiale et patrimoniale au moment de leur séparation. S’il est vrai que le contrat de mariage représente un outil indispensable à la prévisibilité de la situation patrimoniale d’un couple, il peut aussi se révéler inadapté, faute d’information adéquate au moment de sa conclusion.

Voici un panel de difficultés pouvant naître à l’occasion d’une séparation en l’absence de contrat de mariage ou de contrat inadapté.

• Mutabilité du régime matrimonial

En l’absence de contrat de mariage, le juge va devoir déterminer la loi applicable au régime matrimonial des couples internationaux. La Convention de la Haye du 14 mars 1978 prévoit que le régime matrimonial des époux est soumis à la loi de l’Etat de leur première résidence habituelle.

Mais attention, certains couples sont soumis, sans le savoir, à un changement automatique de leur régime matrimonial au cours du mariage dans les cas suivants :

– ils résident plus de 10 ans dans un autre pays : c’est la loi de cet Etat qui va s’appliquer.
– ils viennent habiter dans l’Etat de leur nationalité commune.

Par exemple, deux époux français qui ont fixé leur première résidence à Singapour et qui reviennent, plusieurs années après, vivre en France. Ils seront soumis pour leur temps de résidence à Singapour au régime légal local (séparation de biens) puis, à compter de leur retour en France, au régime légal français (communauté réduite aux acquêts).

• Contribution aux charges du mariage en régime séparatiste

Deux époux mariés sous le régime de séparation de biens ont acquis en indivision un bien immobilier en France (résidence principale ou résidence secondaire), entièrement financé par l’un d’eux. Au moment du divorce, celui qui a financé le bien en intégralité pense pouvoir faire valoir une créance. Or, les juridictions françaises considèrent que l’époux a contribué aux charges du mariage et que le prix de vente doit donc être réparti conformément à l’acte de vente. Il s’agit d’un cas très fréquent qui génère un contentieux abondant qui peut durer plusieurs années au-delà du divorce si le juge du divorce n’a pas pu liquider le régime matrimonial.

Par le contrat de mariage, il est possible de choisir expressément ce qui entrera ou nom dans la contribution aux charges du mariage, notamment si le remboursement de l’emprunt par un seul des époux donnera ou non, lieu à créance au moment du divorce.

• Absence d’élection de loi et pays du Common Law

Deux époux mariés sous le régime séparatiste français partent vivre à New York pendant 15 ans. Madame engage une action en divorce à New York. Le juge américain fera fi du régime séparatiste et pourra partager tout le patrimoine à 50/50, même s’il est intégralement composé de biens propres de Monsieur.

Le contrat de mariage permet de sécuriser l’application de la loi française. Il est conseillé de conclure un contrat de mariage à dimension internationale chaque fois que les époux ont une volonté d’expatriation. Le Notaire français précisera notamment, dans son acte notarié, la volonté pour les époux que leur contrat de mariage soit applicable et reconnu dans le monde entier.

• Absence d’élection de loi et obligations alimentaires

Deux époux vivent à l’Ile Maurice, le patrimoine et les revenus de Madame sont nettement supérieurs à ceux de Monsieur qui pourrait légitimement obtenir une pension alimentaire ou une prestation compensatoire en France, pays de la nationalité commune des époux. Or, même si le juge du divorce est français, en l’absence d’élection de loi dans le contrat de mariage, la loi applicable sera celle de l’Etat de résidence de l’époux créancier donc pas de pension alimentaire, ni de prestation compensatoire.

Quels sont les différents régimes matrimoniaux existants en France, les clauses particulières à insérer et les possibilités de modifier son contrat de mariage ?

I. Les différents régimes matrimoniaux

Attention, le mariage en lui-même entraine des conséquences financières pour tous les époux, quel que soit le régime matrimonial adopté : c’est le régime primaire impératif des articles 212 et suivant du Code civil.

Par exemple, chacun des époux doit contribuer aux charges du mariage à proportion de ses facultés respectives et ils sont solidairement tenus aux dettes ménagères.
Le régime primaire protège également le logement de la famille et empêche l’un ou l’autre des époux de le vendre.

Outre ce régime primaire impératif, le patrimoine des époux peut être soumis à l’un des quatre régimes ci-après.

A. La communauté légale réduite aux acquêts

Il s’agit du régime légal en France. Cela signifie que les époux, qui ont fixé leur première résidence maritale en France sans contrat de mariage, sont soumis à ce régime matrimonial.

En substance, les revenus et biens perçus et acquis pendant le mariage sont communs. Restent propres à chacun des époux, les biens détenus avant le mariage ou acquis par donation et succession. Néanmoins, les revenus issus de ces biens seront communs.

Au moment de la séparation, l’ensemble du patrimoine commun des époux est réparti par moitié entre eux, exception faite d’éventuelles récompenses à calculer.

B. La communauté universelle

Dans le régime de la communauté universelle, tous les biens des époux sont communs, peu importe qu’ils aient été acquis avant le mariage ou par donation ou succession.
Seuls les biens propres par nature, définis par l’article 1404 du Code civil, restent toutefois la propriété personnelle du conjoint concerné.

Dans ce régime, les conjoints sont responsables de leurs dettes personnelles sur l’ensemble de ces biens communs, que ces dettes aient été faites avant ou pendant le mariage. Lors de la liquidation de la communauté, les biens communs sont partagés à parts égales, sauf disposition contraire.

C. Séparation de biens

Il s’agit du principal régime conventionnel en France. Dans ce régime, rien n’est mis en commun. Chacun conserve ses revenus et biens acquis, outre application du régime primaire impératif.

Lorsque deux époux acquièrent ensemble un bien immobilier, ils fonctionnent comme une indivision classique, à proportion de leur part dans le bien.
Chacun est personnellement tenu à la dette qu’il a contracté seul, sauf si celle-ci a été contractée pour les besoins de la famille (régime primaire : dette ménagère).

D. Participation aux acquêts

Ce régime est un régime hybride entre la séparation de biens et la communauté, peu connu en France. Ce régime fonctionne comme une séparation de biens pendant le mariage et devient communautaire à la fin du mariage.

C’est à dire que le notaire mesure l’enrichissement de chacun durant le mariage et l’ensemble des gains sont partagés de façon équitable entre les conjoints au moment de la séparation.

II. Adaptation et sécurisation du contrat de mariage

Evidemment, les époux qui souhaitent conclure un contrat de mariage doivent le faire, auprès d’un notaire, avant la célébration du mariage.
Les époux doivent veiller à être parfaitement informés du contenu et des conséquences du contrat de mariage qu’ils s’apprêtent à signer. Souvent, des modèles types de contrats de mariage leurs sont proposés, sans véritable adaptation à leur situation personnelle.

Grâce à des clauses spécifiques, il est possible de « personnaliser » son contrat de mariage, sous réserve de ne pas déroger à certaines règles d’ordre public (régime primaire impératif, règles de l’autorité parentale, règles d’ordre légal des héritiers).

Voici quelques exemples de clauses, non exhaustifs bien évidemment.

A. Aménagements conventionnels dans le régime de la séparation de biens

• La société d’acquêts

La constitution d’une société d’acquêts au sein d’un contrat séparatiste, permet de lui donner un aspect communautaire. En effet, la société d’acquêts sera composée d’une masse commune de biens, assujettis au régime légal de la communauté.

Très souvent, il s’agit pour les époux d’intégrer dans une société d’acquêts le domicile conjugal et tous les meubles le composant.

L’existence d’une société d’acquêts exige, au moment de l’acquisition du bien immobilier, d’attirer l’attention du notaire en charge de la vente sur ce point. En effet, un manque d’information suffisante pourrait créer une situation où les époux acquièrent le bien à proportions différentes et pensent le détenir chacun pour ces proportions. Or, au moment de la liquidation, le bien dépendant de la société d’acquêts sera liquidé selon les règles du régime communautaire, à savoir 50/50….

• La contribution aux charges du mariage

L’article 1537 du Code civil dispose que les époux doivent contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives. En substance, cela signifie que chacun contribue à proportion de ses revenus.

Généralement, les clauses types insérées dans les contrats de mariage de séparation de biens prévoient que les époux sont réputés s’être acquittés de leur part contributive aux charges du mariage au jour le jour.

Comme cela a déjà été évoqué, la difficulté se rencontre très souvent lorsque l’un des époux a remboursé intégralement l’emprunt immobilier du domicile conjugal ou de la résidence secondaire et ne peut, en vertu de cette présomption, obtenir remboursement de la part de l’autre époux.

Aussi, il est vivement recommandé d’envisager cette difficulté avec son Notaire qui peut prévoir des clauses adaptées :
– Clause qui extrait l’emprunt des charges du mariage ;
– Clause qui prévoit que le financement d’une éventuelle résidence secondaire devra être faite par chaque époux à proportion des parts qu’il détient dans le bien, etc.

• Clause de préemption

Cette clause est particulièrement intéressante puisqu’elle permet aux époux de prévoir qu’au décès de l’un ou de l’autre, l’autre époux pourra acquérir (préemption), ou se faire attribuer (prélèvement), certains biens personnels du prédécédé. Cela peut être intéressant, par exemple, pour une maison secondaire acquise par un seul des époux pendant le mariage. Avec cette clause il sera possible à l’époux survivant de la « récupérer ».

B. Aménagements conventionnels dans le régime de communauté universelle

• La clause d’attribution intégrale

La communauté universelle avec clause d’attribution intégrale permet d’assurer l’avenir du conjoint survivant en lui attribuant la totalité du patrimoine du couple.

Au jour du décès du premier époux, la communauté est attribuée au conjoint survivant qui sera pleinement propriétaire du patrimoine laissé par le défunt. Les enfants ne recevront leur part qu’au second décès.

Attention, la clause d’attribution intégrale peut être un inconvénient :
– pour les enfants du couple puisque ceux-ci n’héritent qu’au décès du second parent et ne pourront bénéficier des avantages fiscaux (abattements, barème) qu’une seule fois ;
– dans un contexte international car certains pays refusent de reconnaître la clause d’attribution intégrale au conjoint survivant (Italie).

• Clause de reprise

La mesure préventive pour échapper aux effets néfastes du divorce consiste à inclure dans le contrat de mariage, une clause de « reprise en nature ». L’article 265 du Code civil permet à chacun des époux de reprendre les biens qu’il a personnellement apportés à la communauté et de recevoir la moitié des biens communs (biens acquis pendant le mariage).

C. Aménagements conventionnels communs à tous les contrats de mariage : la clause d’élection de for ou/et de loi applicable

• Au contrat de mariage

Pour les couples non encore mariés à ce jour, l’article 22 du « Règlement régimes matrimoniaux » offre la possibilité de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial. Ce choix est limité à la loi de l’Etat dans lequel l’un des époux ou les deux époux ont leur résidence habituelle ou la loi de l’Etat de la nationalité d’un des époux.
Les couples déjà mariés peuvent faire une élection de loi applicable à tout moment, aux mêmes conditions.

• Au divorce

S’il n’est pas possible de choisir, en amont, le juge compétent pour le divorce, il est tout-à-fait possible de choisir, à tout moment, quelle loi sera applicable parmi les lois suivantes :

– Loi de l’état de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ;
– Loi de l’état de la dernière résidence habituelle des époux si l’un d’eux y réside encore ;
– Loi de l’état de la nationalité de l’un des époux ;
– Loi du for (c’est-à-dire du pays dans lequel est conclu la convention).

Par exemple, des époux peuvent désigner une loi, pour autant qu’elle remplisse les critères précédemment énoncés, qui ne connait pas du divorce pour faute. Mais encore, cela permet d’échapper aux lois particulièrement contraignantes où les époux doivent attendre un certain nombre d’années de séparation avant de pouvoir divorcer.

• Aux obligations alimentaires

Le Règlement dit « obligations alimentaires » permet aux époux de choisir la juridiction qui sera compétente pour statuer sur les obligations alimentaires en cas de séparation parmi les juridictions suivantes :
– La juridiction d’un Etat membre dans lequel l’une des parties a sa résidence habituelle ;
– La juridiction d’un Etat membre dans lequel un époux a sa nationalité ;
– La juridiction compétente pour connaitre de l’action en divorce ou la juridiction de la dernière résidence habituelle des époux.

En outre, le protocole de la Haye du 23 novembre 2007 permet aux futurs époux de choisir la loi qui sera applicable aux litiges à naître en matière d’obligations alimentaires, étant précisé qu’il ne peut s’agir que de :
– la loi d’un État dont l’une des parties a la nationalité au moment de la désignation ;
– la loi de l’État de la résidence habituelle de l’une des parties au moment de la désignation ;
– la loi désignée par les parties pour régir leurs relations patrimoniales ou celle effectivement appliquée à ces relations ;
– la loi désignée par les parties pour régir leur divorce ou leur séparation de corps ou celle effectivement appliquée à ce divorce ou cette séparation.

III. Changement ou modification du régime matrimonial en France

Les époux peuvent changer de régime matrimonial en cours de mariage. En effet, le couple évolue et sa situation patrimoniale aussi. Les raisons ayant conduit le jeune couple à opter, ou non, pour un régime matrimonial particulier peuvent être devenues obsolètes.

Par exemple, certains couples peuvent opter pour un régime séparatiste au moment du mariage afin de protéger l’un des époux des risques professionnels de l’autre (entrepreneur, profession libérale). Une fois les situations professionnelles stabilisées, le couple peut souhaiter se soumettre à un régime plus communautaire.

En France, il est possible de modifier ou changer son régime matrimonial si les deux époux sont d’accord. Cela se fait devant un Notaire. Le notaire va rédiger une nouvelle convention matrimoniale. Les époux ont l’obligation d’informer leurs enfants mineurs et leurs créanciers. Le changement de régime matrimonial est mentionné en marge des actes d’état civil.

En cas d’opposition d’un tiers, le changement doit être homologué par le juge du Tribunal judiciaire du domicile des époux. Dans cette hypothèse, l’assistance de l’avocat est obligatoire.

Maître Céline Richard & Maître Marie-Camille LALOYE
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