
L’aventure de l’expatriation rime souvent avec un éloignement des membres de la famille, parfois fragiles comme les enfants, les parents âgés ou les grands-parents. Afin de partir sereinement, comme pour nombre de sujets liés à l’expatriation, l’anticipation demeure la meilleure option. Comment protéger ses proches ? On vous dit tout sur les mécanismes de protection du mineur et du majeur incapable, suivez le guide !
La protection du mineur
L’autoritĂ© parentale : socle fondamental de la protection du mineur
En raison de sa faiblesse et de son immaturité, l’enfant a besoin d’être protégé. Cette protection repose sur l’institution de l’autorité parentale (ou responsabilité parentale à l’étranger).
L’autoritĂ© parentale recouvre un ensemble de droits et de devoirs que les parents exercent, en principe, conjointement Ă l’Ă©gard de leurs enfants mineurs non Ă©mancipĂ©s sous le contrĂ´le de l’autoritĂ© publique.
Selon le lieu d’expatriation, les droits et devoirs issus de l’autorité parentale peuvent différer de sorte qu’il convient toujours de vérifier la loi du pays de résidence notamment en termes d’autorisation de sortie du territoire.
L’expatriation de l’un des parents ou du couple peut entraĂ®ner plusieurs scĂ©narii
1ère hypothèse : L’enfant vit en expatriation, avec l’un de ses parents, ses deux parents ou seul
a. Le mineur parti avec ses deux parents
Les parents, détenteurs de l’autorité parentale prennent toutes les décisions importantes relatives à leur enfant.
Pour les actes de la vie courante, chacun des parents peut agir seul et est réputé avoir obtenu l’accord de l’autre. Dans les autres cas, il faut nécessairement l’accord des deux parents.
Comment prévoir la prise en charge de l’enfant à l’étranger en cas d’imprévu touchant les parents ?
Rédiger un testament déposé chez un notaire est le réflexe à adopter avant le départ en expatriation. Le testament désignera un tuteur qui aura la charge de veiller matériellement et moralement sur l’enfant. Le tuteur peut être une personne unique. Toutefois, il est possible de prévoir un tuteur chargé d’administrer les biens des mineurs et un autre tuteur chargé de s’occuper de l’enfant. Naturellement, il est préférable d’informer le tuteur de votre démarche avant de quitter la France.
Pour se prĂ©munir contre un Ă©vènement fortuit, il est possible de recourir Ă d’autres mĂ©canismes de protection tels que la dĂ©signation d’un tiers administrateur ou l’Ă©tablissement d’un mandat de protection pour autrui.
b. Le mineur parti avec un seul de ses deux parents
Dans l’hypothèse la plus courante d’une autoritĂ© parentale conjointe, le parent souhaitant partir seul avec l’enfant mineur doit impĂ©rativement obtenir l’accord prĂ©alable du parent restĂ© en France. A dĂ©faut, il est nĂ©cessaire d’obtenir l’autorisation prĂ©alable du juge aux affaires familiales.
En l’absence de telles autorisations, le parent s’expatriant s’expose Ă des poursuites pour enlèvement international d’enfant !
Comme dans le cas prĂ©cĂ©dent, le parent qui emmène son enfant dans une aventure internationale peut aussi recourir Ă la dĂ©signation d’un tiers administrateur ou l’Ă©tablissement d’un mandat de protection pour autrui.
c. Le mineur parti seul pour ĂŞtre scolarisĂ© Ă l’Ă©tranger
La scolarisation Ă l’international reste l’un des meilleurs moyens pour un enfant d’apprendre une langue Ă©trangère. Il existe diverses solutions pour permettre Ă son enfant de vivre une telle expĂ©rience : inscription en directe dans une Ă©cole Ă©trangère, organismes de sĂ©jours linguistiques, …
Dans ces situations, comment protĂ©ger l’enfant expatriĂ© ?
Pour rĂ©pondre aux problĂ©matiques de la vie courante, un simple transfert Ă un tiers de la responsabilitĂ© d’accomplir les actes usuels peut suffire.
Dans tous les cas il sera nĂ©cessaire que l’enfant soit muni d’une autorisation de sortie du territoire.
2ème hypothèse : le mineur resté en France
Certaines expatriations ne permettent pas d’emmener les enfants mineurs : indisponibilitĂ©, contraintes de dĂ©placement, absence de prise en charge par l’employeur, …
Comment le mineur est-il encadrĂ© et protĂ©gĂ© durant la pĂ©riode d’absence ?
Le plus souvent l’enfant sera logĂ© chez des membres de la famille ou des amis proches Ă qui la responsabilitĂ© d’accomplir les actes de la vie courante sera transfĂ©rĂ©e.
Le rĂ©flexe de prĂ©parer un testament en amont de l’expatriation est Ă©galement une solution adĂ©quate pour dĂ©signer un tuteur, un mandataire ou un tiers administrateur aux biens de l’enfant.
Description des différents mécanismes de protection
1. Transfert Ă un tiers de la responsabilitĂ© d’accomplir les actes usuels
Le fait pour un enfant mineur d’ĂŞtre confiĂ© Ă un tiers n’a aucune incidence sur l’autoritĂ© parentale. Cette dernière continue d’ĂŞtre exercĂ©e par les parents. Toutefois, cela permet Ă la personne en charge de l’enfant (membre de la famille, famille d’accueil, Ă©tablissement d’accueil…) d’accomplir tous les actes usuels relatifs Ă sa surveillance et son Ă©ducation ou les actes de la vie quotidienne.
En revanche, seuls les actes qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant peuvent ĂŞtre dĂ©lĂ©guĂ©s.
En pratique, aucune forme particulière n’est requise. Cependant, il est prĂ©fĂ©rable de prĂ©voir un cadre et de s’assurer de sa reconnaissance Ă l’Ă©tranger. C’est notamment la pratique des organismes de sĂ©jours linguistiques longues durĂ©es oĂą un contrat est rĂ©gularisĂ© entre parents et famille d’accueil.
Une autre solution peut consister en la dĂ©lĂ©gation partage qui permet de transfĂ©rer tout ou partie de l’autoritĂ© parentale mais dont la mise en place est plus contraignante.
2. La mise sous tutelle par testament en cas de décès des deux parents
Pour un maximum de sĂ©curitĂ©, le testament, contenant la dĂ©signation d’un tuteur, doit ĂŞtre rĂ©digĂ© ou dĂ©posĂ© chez un Notaire français avant le dĂ©part Ă l’Ă©tranger. Il est prĂ©fĂ©rable d’en avoir informĂ© prĂ©alablement la personne dĂ©signĂ©e.
Par ailleurs, il est conseillé de prévoir la désignation d’un tuteur auxiliaire dans le cas où le tuteur initial refuserait sa désignation ou ne serait pas en mesure d’assurer sa mission. Dans ce cas, une attention particulière doit être portée à la rédaction de cette désignation successive.
Un testament est personnel, chacun des parents établit son propre testament.
3. Tiers administrateur
DĂ©signer un tiers administrateur afin d’administrer tout ou partie du patrimoine.
La dĂ©signation du tiers administrateur par donation ou testament permet d’éviter l’immixtion du juge des tutelles ou d’un tuteur ne disposant pas des connaissances suffisantes pour assurer une administration et une gestion effective de certains actifs.
Par ailleurs, il est possible de prĂ©voir le cumul du tiers administrateur avec un mandat Ă effet posthume qui prendra le relais Ă la majoritĂ© de l’hĂ©ritier.
4. Le mandat de protection pour autrui
Le mandat de protection pour autrui, permet de dĂ©signer un mandataire qui sera chargĂ© de veiller sur l’enfant dans le cas oĂą les parents ne seraient plus en capacitĂ© de s’en occuper.
Ce mĂ©canisme permet d’éviter une mesure judiciaire (de tutelle ou de curatelle) qui s’avèrerait ĂŞtre plus contraignante pour l’enfant. Le mandat de protection pour autrui est un acte notariĂ© ; il convient donc de se rapprocher de son notaire pour l’établir.
5. La reconnaissance internationale de ces différents mécanismes
Avant de prendre une mesure quelconque, il est nécessaire de s’assurer auprès d’un juriste local de la reconnaissance de la mesure dans le pays de résidence. La reconnaissance internationale de ces mécanismes dépendra de la loi qui leur est applicable.
Par exemple, il s’agira de la loi de la résidence habituelle de l’enfant (Règlement Bruxelles II bis et Convention de la Haye de 1996) ou de celle de sa nationalité en ce qui concerne les mandats.
Il convient de se renseigner Ă©galement sur les autres mĂ©canismes internationaux de prĂ©vention susceptibles d’ĂŞtre reconnus dans le lieu d’expatriation tels que le trust ou la clause de guardianship insĂ©rĂ©e dans les testaments dans les pays anglo saxons.
La protection du majeur incapable
L’aventure internationale contraint Ă s’éloigner d’un parent parfois âgĂ©, susceptible de ne plus ĂŞtre, Ă terme, en mesure de pourvoir seul Ă ses intĂ©rĂŞts en raison d’une altĂ©ration, mĂ©dicalement constatĂ©e, de ses facultĂ©s mentales ou corporelles l’empĂŞchant d’exprimer sa volontĂ©.
La loi est protectrice du majeur devenu incapable. Les mesures traditionnelles sont graduelles (habilitation familiale, sauvegarde, curatelle, tutelle) et ne sont utilisĂ©es qu’Ă titre exceptionnel ; le principe restant l’autonomie. Il peut donc arriver que ces mesures ne soient pas mises en Ĺ“uvre Ă temps.
Comment protéger les personnes vulnérables de son entourage restées en France ?
Le mandat de protection future pour soi-mĂŞme
Afin d’anticiper les difficultés futures liées à son état de santé ou à la gestion de son patrimoine, le mandat de protection future pour soi-même permet de désigner une personne restée en France pour représentation dans le cas où le mandant ne serait plus en mesure de pourvoir seul à ses intérêts par la suite.
Ce mandat, peut être établi par acte notarié ou sous signatures privées, et doit notamment préciser la nature et l’étendue des pouvoirs de représentation conférés au mandataire. Il peut également préciser certains éléments concernant l’organisation de sa vie à l’avenir et autoriser le mandataire désigné à effectuer des actes de gestion courante et de conservation de son patrimoine.
Le jour où il sera constatée l’altération des facultés mentales ou corporelles du mandant qui l’empêche de pourvoir seul à ses intérêts, le mandataire pourra alors obtenir un certificat médical d’un médecin inscrit sur une liste établie par le Procureur de la République et présenter ce document au greffe du tribunal judiciaire afin de mettre en œuvre le mandat.
La personne vulnérable sera ainsi entre de bonnes mains pendant l’expatriation, outre le double avantage d’éviter une mesure de protection judiciaire et de partir l’esprit tranquille !
Le mandat de protection pour autrui
Le mandat de protection pour autrui établi devant notaire est à privilégier lorsque l’expatrié a un enfant majeur souffrant d’une maladie ou d’un handicap nécessitant une représentation juridique.
Cet outil de protection permet d’anticiper le cas où le mandant se retrouverait dans l’incapacité de s’occuper de son enfant à l’avenir en désignant une personne de confiance qui sera chargée de veiller sur lui.
Le mandat Ă effet posthume
Afin de prĂ©venir la survenance d’un Ă©vènement fortuit touchant l’expatriĂ©, le mandat Ă effet posthume, permet de confier Ă une personne de confiance, la bonne gestion et l’administration de toute ou partie de sa succession.
Ce mĂ©canisme de protection doit toutefois ĂŞtre justifiĂ©, et prĂ©cisĂ©ment motivĂ©, par un intĂ©rĂŞt sĂ©rieux et lĂ©gitime au regard de la vulnĂ©rabilitĂ© de l’hĂ©ritier ou de la nature complexe du patrimoine successoral.
Par ailleurs, les hĂ©ritiers ou leurs reprĂ©sentants lĂ©gaux n’ont pas de consentement Ă donner pour l’exercice du mandat dès lors qu’ils acceptent la succession. Toutefois, sous rĂ©serve d’intĂ©grer une clause d’inaliĂ©nabilitĂ© dont la portĂ©e reste incertaine en pratique, ils conservent leurs pouvoirs de disposition sur les actifs.
Comment mettre en place ce mandat ? Le mandat à effet posthume doit être établi par acte notarié, du vivant de son auteur. Il est possible de désigner un ou plusieurs mandataires qui peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales. Le mandat peut être conclu pour une durée de 2 ans (ou 5 ans dans certaines conditions) et renouvelé sur décision judiciaire.
N’hésitez pas à consulter un avocat ou un Notaire pour évoquer ces différentes problématiques. Avant ou pendant une expatriation, l’anticipation est en effet la clé de la tranquillité !
Céline Richard
Avocate et associée du cabinet Familynks, spécialisée en droit international de la famille.
cr@familynks.fr
Angélique Devaux
Notaire à Paris au sein de Cheuvreux, spécialisée en droit international de la famille.
a.devaux@cheuvreux.fr
Remerciements Ă Ombline de Beaurepaire et Yoan Guillard pour leur assistance.
- 29 September 2021