Tour du monde des vignerons français

Rêvez et voyagez en suivant toutes les étapes du périple œnologique d’un de nos membres, Fabien Duvergey. Il effectue un tour du monde des Français expatriés à l’étranger, travaillant dans le domaine du vin afin de réaliser des portraits.
Ici, cap sur Tahiti !

L’UFE a pour mission, vous le savez, de contribuer au rayonnement de la France à l’étranger. Nous avons placé cette année sous le signe du rayonnement culinaire avec notre Grand Prix UFE de la gastronomie française. Nous avons tout naturellement décidé de soutenir le projet de Fabien Duvergey, membre de l’UFE en France, dont le frère est lui-même membre du bureau UFE du Costa Rica. Après tout, que serait un bon repas sans vin !!!!

Fabien Duvergey est né en 1987 à Montélimar (Drôme). Il a  été expatrié dans le sud-est de la Chine aux alentours d’Hong-Kong avec sa famille de 1993 à 1995. Après avoir passé son bac en France, il a étudié trois ans à HEC Lausanne en Suisse, puis un an à l’I.E.P de Paris. Il a ensuite travaillé près de deux ans à KPMG Genève en audit bancaire et a choisi de démissionner de son poste pour monter son projet.

Il a en effet décidé d’effectuer un tour du monde des Français expatriés à l’étranger, travaillant dans le domaine du vin afin de réaliser des portraits. Les pays qu’il a choisi d’explorer sont  le Liban, le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Polynésie française, la Californie, le Costa Rica, l’Argentine et le Chili.

Rêvez et voyagez en suivant toutes les étapes de son périple œnologique… Ici, cap sur Tahiti !

 

Du vin à Tahiti, ou lorsque la passion sublime la raison !

Par Fabien Duvergey, Atoll de Rangiroa, Polynésie française.

 

 

Vous ne rêvez pas, le vin de Tahiti existe réellement. Un pari fou qu’a relevé Dominique Auroy sur cette terre située aux antipodes de la métropole. Récit d’une histoire fantastique.

« Le propre des hommes passionnés est de ne pas croire un seul mot de ce que l’on écrit sur les passions ».

Cette citation d’Alain pourrait résumer à merveille le caractère de Mr. Auroy, cet homme de défis et de passion.

Certes, un Français passionné de vin pourrait être défini comme un pléonasme. Mais dans la passion il y a des degrés, Mr. Auroy peut rentrer sur l’échelon le plus élevé. Rencontre avec un homme hors du commun.

Visite d’une certaine idée du Paradis

Sur l’atoll de Rangiroa (« l’île au ciel immense » en dialecte local), le directeur technique, Sébastien Thépenier, et son équipe prennent le bateau pour rejoindre le motu (ilot) où sont plantées les vignes. En traversant le lagon, les raies et dauphins suivent l’embarcation. Arrivé sur le motu, le chemin de corail encadré par les cocotiers et les rosiers guide le visiteur. Protégé des cyclones par des arbres brise-vent, le domaine Ampélidacées s’ouvre pour observer les fameuses rangées de vignes.

Les vendanges s’effectuent deux fois par an. Les vignes poussent sur un sol corallien, envahies par le soleil et l’air salin entre lagon et océan.

La création de ce vignoble de Tahiti est le fruit d’un travail titanesque, d’un travail de passionnés. L’instigateur de ce projet est un industriel, Mr. Auroy, plus qu’un passionné, c’est un amoureux de la vigne et du vin. Un amoureux de l’histoire du vin, de ce que représente la culture de la vigne à travers les âges. C’est aussi et surtout un homme de défis, un homme allant à l’encontre des idées reçues et des conclusions hâtives.

Après son baccalauréat, il décide de travailler dans le domaine de l’énergie et à l’étranger, il part au Sahara pour travailler sur les « pipelines ». A 23 ans et avec déjà une solide expérience, il est responsable de plusieurs centaines de personnes.

Il continue à travailler dans le domaine de l’énergie et lorsque EDF conclut qu’il n’est pas possible de créer de l’énergie hydraulique dans le Pacifique, Dominique Auroy relève le défi. Il crée sa société d’hydroélectricité en Polynésie française. Puis il devient plus tard directeur des « Brasseries du Pacifique ».

Son intérêt pour le vin croît et il se fait alors des connaissances dans le Bordelais, qui lui transmettent un savoir. Auprès de ces passionnés, de ces connaisseurs, il acquiert une connaissance du vin beaucoup plus précise, et l’idée d’investir dans le milieu du vin se précise.

« Ce n’est pas possible »

Acheter un domaine en Bordelais ? Peu d’intérêts lorsque l’on connaît son côté  novateur. L’idée étant de créer un nouveau vignoble, d’aller dans des endroits jamais explorés en terme vinicole. Au début des années quatre-vingt dix, les pays du nouveau monde ont déjà pris toute leur ampleur sous l’impulsion de la Californie. Oui, il faut essayer quelque chose de marginal, de différent, de fou : Tahiti ! L’idée est saugrenue et mal reçue, les premiers commentaires fusent : « Il est impossible de faire pousser de la vigne sous ces climats », « Tu vas y perdre ton argent ». Comme à l’accoutumé, loin de le freiner, ces phrases le motivent et le poussent à commencer ce projet fou.

L’aventure commence par l’étude de la faisabilité du projet. De 1992 à 1994, un travail de recherche fondamental est opéré, notamment sous l’impulsion de Bernard Hudelot, professeur à l’Université de la vigne et du vin de Dijon qui étudie et tente de maîtriser le cycle végétatif sous ce climat. Les cinq archipels de la Polynésie française sont sélectionnés afin d’y  planter de la vigne.

Trois critères sont étudiés : l’approvisionnement en eau douce, la luminosité et le type de sol. Paradoxalement, le plus difficile est de trouver une luminosité suffisante. Seul l’archipel des Tuamotu remplit ce critère, plus particulièrement l’atoll de Hao. De 1995 à 1996, les premières plantations de vignes s’effectuent, avant d’observer qu’un atoll au nord-est serait plus approprié. En 1997, on plante alors une centaine de cépages différents sur l’atoll de Rangiroa, anneau de corail à une heure d’avion de Papeete. Le but étant de savoir quelles variétés s’acclimateront le mieux. Rapidement trois cépages s’épanouissent sur ce sol corallien : le Carignan, le Muscat et l’Italia.

En 1999, la première récolte est de seulement 1,5 litre mais ô combien symbolique : le premier vin de Tahiti est créé ! A partir de ce moment, il s’agit d’augmenter la production et de vendre le vin.

En 2000, la production est de 15 litres. Deux stratégies sont implémentées : certaines gammes sont mises dans des bouteilles de cinquante centilitres et un vin rouge est réalisé à partir du Carignan. Mais ces choix vont s’avérer problématiques dans le développement et la réputation des Vins de Tahiti. En effet, les  bouteilles de  cinquante centilitres ne sont pas assimilées par le consommateur, habitué à des bouteilles standard de soixante-quinze centilitres. De plus, il y a une telle attente de la part des Polynésiens de connaître « leur » vin que les critiques populaires sont acerbes. En métropole, les préjugés et les railleries fusent. Les premiers vins rouges ne conviennent pas au palais des consommateurs.  

Les premières réputations sont souvent les plus dures à combattre. Pendant plus de dix ans l’équipe de Dominique Auroy, avec notamment Dominique Jezegou, directrice de la communication et Sébastien Thépenier, va tenter de changer cette première image. Un marketing visuel qui change, des bouteilles standardisées à  soixante-quinze centilitres, la suppression du vin rouge et une recherche plus approfondie sur les vins blancs et rosés. Les résultats se font sentir et en 2008 et 2009, le vin blanc obtient des médailles aux Vinalies Internationales de Paris.

Le blanc de Corail est bien équilibré et, avec ses notes vanillées, il s’accorde parfaitement avec la cuisine polynésienne. Le rosé est frais, agréable et peut rivaliser avec aisance avec les  meilleurs rosés d’Europe.

Convaincu par ce succès, Dominique Auroy n’a pas fini de relever de nouveaux défis et a décidé de créer un second vignoble … au Gabon. La première cuvée Omar Bongo est créée en 2004. Mais ça, c’est une autre histoire !

Curriculum Vinum :

– Vin de Tahiti
– Dominique Auroy, propriétaire ; Sébastien Thépenier, œnologue
– 7 hectares de vignes.
– Cépages : Carignan, Muscat, Italia.
– Age des vignes : de 2 à 13 ans. Environ 25 hl/ha. Deux vendanges par an. En démarche Bio depuis 2010.
– Sols : Des sols différents mais globalement calcaire corallien.
– Climat : de fortes chaleurs,  des sécheresses et de l’humidité caractérisent le climat.
– Gammes : Un rosé et trois blancs (sec, moelleux, corail). Pas d’Appellation d’Origine Contrôlée. Une irrigation contrôlée.
– Canaux de distribution : Cavistes, particuliers, exportation.
– Production : 50’000 bouteilles par an. Environ 20 euros la bouteille.

Plus d’informations sur le Vin de Tahiti : www.vindetahiti.com

 

 
Retrouvez le premier tour du monde des vignerons et oenologues français expatriés sur : Vin-et-voyage.blogspot.com
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