Réforme du divorce à Dubaï : une fausse bonne idée pour les expatriés ?

Dubaï, jeune État musulman né il y a cinquante-quatre ans, se distingue par sa population cosmopolite, majoritairement issue de l’expatriation.
Afin de s’adapter à la culture de cette population croissante, pour la plupart non musulmane, les EAU ont décidé « d’occidentaliser » leur législation opposable aux expatriés : dépénalisation de l’alcool et du suicide, répression du harcèlement fait aux femmes, liberté pour les couples de vivre ensemble sans être mariés…
Ce mouvement législatif touche également le divorce et ses conséquences. Ainsi, le décret fédéral n°41 du 10 mars 2022 entré en vigueur le 1er février 2023 réforme le statut personnel.

A qui s’applique ce décret fédéral et est-il aujourd’hui plus avantageux que la législation française pour les couples expatriés souhaitant divorcer ?

La législation du divorce pour les citoyens émiratis musulmans

Dubaï étant un pays musulman, les lois islamiques guident la législation dubaïote.

Sur le statut personnel, deux grandes lois historiques : le décret n°28 du 19 novembre 2005 désormais remplacé par le décret n°41 du 14 octobre 2024 entré en vigueur le 15 avril 2025.

Cette réforme vient assouplir l’influence de la loi musulmane dans la législation émiratie et tend à une égalité des genres. Sont révisés : les modes de calcul et d’octroi de la pension alimentaire, les droits des mères non-musulmanes dans un couple mixte, le fondement du divorce pour faute…

Concernant son champ d’application, le décret fédéral du 15 avril 2025 ne trouve à s’appliquer que pour les citoyens émiratis si au moins une des parties est de confession musulmane, aux citoyens émiratis non-musulmans s’ils ne font pas le choix d’un autre tribunal religieux et à tout autre requérant qui n’aurait pas fait le choix de sa loi nationale.

Le divorce des couples mixtes

Concernant les couples mixtes, c’est-à-dire l’union d’un musulman avec un non-musulman, la loi émiratie prime. Le décret du 15 avril 2025 s’appliquera donc.

Elle pourra toutefois être évincée s’il est demandé de faire application de sa loi nationale.

Le divorce des expatriés non-musulmans à Dubaï

Le décret n°41 du 1er février 2023 refond tant la procédure que le fond du divorce.

a) Le choix de la loi applicable

Le décret de février 2023 s’applique seulement pour les non-musulmans.

Toutefois, l’application de la loi émiratie se fera seulement si les requérants n’ont pas choisi de faire application de leur loi nationale.

La législation émiratie s’applique donc par défaut aux expatriés non-musulmans.

b) La procédure

Concernant la procédure, elle se traduit comme tel :

1. Il convient de saisir le département du statut civil à Dubaï Civil.

2. S’en suit une première audience où est exprimé le souhait de divorcer. Le juge émet alors un avis sans rechercher les fondements/causes du divorce.

3. Il faut ensuite remplir la demande de devoir de secours, de pension alimentaire, de droit de visite et d’hébergement en utilisant le formulaire adéquat fourni par les tribunaux.

4. Sont déclarés d’office comme étant conjoints : le droit de visite et d’hébergement, l’autorité parentale et son exercice (sauf à ce qu’un parent prouve que l’autre parent est défaillant et met à mal l’intérêt de l’enfant).

Cette procédure est rapide et dure en moyenne un à deux mois.

c) Sur les fondements

Le décret vient modifier les fondements du divorce à Dubaï.

Deux fondements sont reconnus : le divorce par consentement mutuel et le divorce unilatéral. Pour ce dernier, plus besoin de fonder ou prouver une faute de l’époux.

d) Sur les effets du divorce

Les effets du divorce concernent tant les époux que les enfants.

Pour les époux, le « spouse maintenance », soit une allocation financière allouée à l’époux, est désormais calculée sur des facteurs tels que la durée du mariage, l’âge de la femme ou le statut financier des époux.

Pour les enfants, le droit de visite et d’hébergement de l’enfant est repensé par souci d’égalité : il devient d’office conjoint et est exercé de la sorte jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant.

Attention à la situation où deux expatriés non-musulmans et ayant des nationalités différentes souhaitent tous deux appliquer leur propre loi nationale. Dans ce cas, il convient de saisir la juridiction souhaitée le plus rapidement possible afin d’obtenir une décision judiciaire pour ensuite la revêtir de l’exequatur et la rendre opposable.

Le divorce français pour les expatriés résidant à Dubaï

Le divorce français demeure une option pour les expatriés résidant aux EAU, devant un juge ou non.

Dans le cadre d’un divorce par acte d’avocats sans recours au Juge, il est possible pour chaque époux de mandater un avocat afin que ce dernier négocie leurs intérêts et rédige une convention de divorce. Celle-ci est ensuite déposée au range des minutes d’un notaire ce qui la rend opposable aux tiers.

Lorsqu’il est contentieux, le divorce est prononcé soit pour faute, soit pour altération définitive du lien conjugal ou encore pour acceptation du principe de la rupture (aujourd’hui divorce accepté).

Dans les trois cas ci-dessus, le tribunal est saisi par une assignation. S’en suit une audience sur mesures provisoires qui vient fixer les modalités de vie des époux jusqu’au jugement et, cas échéant, celles des enfants. Cette audience permet également de fixer le calendrier de procédure au terme duquel se tient le jugement de divorce.

Quoi qu’il en soit, la décision devra être revêtue de l’exequatur afin de pouvoir être reconnue et donc s’appliquer à Dubaï.

En pratique, c’est la convention du 9 septembre 1991 qui vient permettre la reconnaissance et l’exécution des jugements émiratis en France et vice-versa. Elle conditionne donc la reconnaissance du jugement et son exécution à la production par la partie demanderesse d’une copie complète et authentique de la décision.

Une fois la décision revêtue de l’exequatur à Dubaï, elle devient exécutoire dans le pays.

Néanmoins, dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, la reconnaissance du divorce par les EAU demeure incertaine, dans la mesure où il s’agit d’un acte hybride entre acte authentique et jugement.

Divorce dubaïote : danger !

L’occidentalisation de la législation dubaïote et la célérité de la procédure semblent tentantes. Néanmoins, attention aux conséquences de ces divorces prononcés rapidement par les autorités émiraties, surtout pour les femmes.

Le nouveau décret-loi s’adressant aux expatriés français est en réalité très lacunaire, ce qui conduit à l’application des lois locales, c’est-à-dire de la charia. En outre, Dubaï étant un territoire peuplé d’expatriés, le juge dubaïote se fera l’économie d’appliquer un droit externe qu’il ne maîtrise pas et appliquera en conséquence son propre droit, largement influencé par les Lois. Ces dernières sont plus favorables aux hommes, tant sur le volet patrimonial qu’extra-patrimonial.

Sur les conséquences financières :

– Le régime matrimonial appliqué par défaut s’apparente à une séparation de biens, ce qui conduit à appliquer de facto une liquidation du régime matrimonial plus favorable aux hommes.

– Il n’existe pas à Dubaï de principe de prestation compensatoire ce qui désavantage l’époux qui se trouve dans une situation financière moins favorable que l’autre.

– Un remariage entraîne la suppression immédiate de l’allocation de soutien financier que l’époux doit à l’autre.

– Si une partie sollicite l’application du droit français, il faudra mandater un avocat français pour produire une note explicative sur le droit français et la faire traduire par un traducteur assermenté.

– Il faudra impérativement mandater en sus un avocat dubaïote qui maîtrise le droit local pour être représenté devant le Tribunal.

– Les conséquences du divorce (droit de visite et d’hébergement des enfants, pension alimentaire…) font l’objet de procédures distinctes et entrainent des coûts supplémentaires.

Sur les conséquences concernant les enfants :

La nouvelle législation émiratie se présente comme un garde-fou des inégalités de genre. Les parents sont donc supposés avoir des droits égaux sur les enfants, excepté s’il existe des manquements graves au bien-être de l’enfant (addictions, violences…).

Néanmoins, les textes étant lacunaires, le juge émirati sera plus enclin à appliquer son propre droit qui lui est familier et qui favorise l’homme.

En conséquence, ce dernier peut très bien assortir sa décision d’un travel ban, à savoir l’interdiction pour l’enfant du couple de sortir du territoire EAU sans l’accord express des deux parents. Quid donc si l’épouse se retrouvant sans visa est contrainte de quitter le territoire alors que le père souhaite maintenir l’enfant auprès de lui ?

Sur la reconnaissance du jugement dubaïote dans votre pays d’origine

La procédure de divorce dubaïote est expéditive et souvent dématérialisée. Il faut donc comprendre que les audiences pourront se tenir en visioconférence et de façon brève, sans pouvoir réellement faire valoir vos arguments.

C’est pour cela que la Suisse a déjà pu décider qu’un jugement ne trouvait pas à s’appliquer car la procédure n’était pas conforme aux Droits fondamentaux des parties. En l’espèce, la procédure avait été initiée via WhatsApp, chose impensable en Suisse mais a fortiori en France également.

Si vous choisissez de divorcer à Dubaï, il vous faudra donc nécessairement mandater un avocat Français afin soit de faire valoir le jugement en France et le rendre applicable, bien qu’il puisse être jugé non-conforme au droit interne et être rejeté, soit initier une nouvelle procédure en France. Dans tous les cas, ce sont des coûts importants.

En conclusion, pour des raisons de sécurité juridique et économique évidentes, un divorce français sera toujours à privilégier.
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