[Votre actualité fiscale] Transmission de patrimoine : enjeux et solutions pour les non-résidents

La France demeure un point d’ancrage patrimonial pour de nombreux français établis à l’étranger. Compte tenu du contexte international dans lequel intervient la transmission de leur patrimoine, les opérations afférentes sont soumises à des règles complexes. En effet, le simple fait de ne pas être résident fiscal français ne permet pas de s’exonérer des droits de donation/succession en France : cet article fait le point sur les principaux enjeux auxquels les non-résidents et leurs héritiers doivent faire face dans le cadre de la transmission de leurs actifs.

Droits de donation et de succession : rappel des principes applicables
Règles de territorialité

En application des dispositions de l’article 750 ter du Code général des impôts, le fait de savoir si une donation/succession est imposable en France dépend du lieu de situation des biens transmis et de la résidence fiscale des parties concernées.

En résumé :

  • Dans le cas où le donateur/défunt est domicilié en France, tous les biens meubles ou immeubles transmis par lui sont imposables en France, quelles que soient leur nature ou leur situation ;
  • Dans le cas où le donateur/défunt est domicilié hors de France, deux hypothèses doivent être distinguées :
    – Le bénéficiaire est domicilié en France au jour de la transmission et l’a été pendant au moins 6 ans au cours des 10 dernières années ; tous les biens qu’il reçoit sont alors imposables en France ;
    – Le bénéficiaire est domicilié hors de France ; seuls les biens situés en France sont imposables en France (principalement les immeubles).

Dit autrement, dès lors que les héritiers sont résidents de France, l’ensemble de la succession demeure imposable en France quand bien même le défunt serait résident à l’étranger.

Ces règles de droit interne s’appliquent sous réserve des dispositions des conventions fiscales bilatérales éventuellement applicables. En effet, certaines conventions signées par la France atténuent voire suppriment le droit d’imposer de la France dans certaines situations.

Mais ces conventions sont peu nombreuses. Alors que la France a conclu 130 conventions afin d’éviter la double imposition en matière d’impôt sur le revenu, seules 37 concernent les successions, et il n’en existe que 10 applicables dans le cadre des donations (notamment avec le Canada, les Etats-Unis, l’Italie, le Portugal ou encore l’Allemagne).

Il est donc essentiel de vérifier, en amont de la transmission, les règles de territorialité applicables.

Calcul des droits

Les droits de donation et de succession sont établis en France selon un barème progressif dont les taux varient en fonction du lien de parenté entre le donateur/défunt et le bénéficiaire, allant de 5 % à 45 % pour les transmissions en ligne directe, et atteignant jusqu’à 60 % pour les transmissions entre non-parents.

Les non-résidents peuvent bénéficier des mêmes abattements que les résidents (100 000 € pour une transmission parent-enfant, par exemple).

Anticiper la transmission du patrimoine

L’anticipation de la transmission permet d’agir à plusieurs niveaux : lisser la fiscalité dans le temps, tirer parti des abattements (renouvelables tous les 15 ans), organiser le transfert du patrimoine à son rythme et dans des conditions permettant de répondre à ses objectifs personnels (protection du conjoint, financement de la retraite…).

Dans cette perspective, plusieurs mécanismes peuvent être envisagés, de manière complémentaire, afin de construire une stratégie adaptée à la fois à votre situation familiale et à la composition de votre patrimoine.

La donation de la nue-propriété avec réserve d’usufruit 

Le recours à une donation en démembrement de propriété constitue l’un des outils les plus efficaces pour transmettre un bien tout en allégeant la fiscalité et en conservant un certain contrôle. Il consiste à dissocier la nue-propriété, généralement transmise aux héritiers, de l’usufruit, conservée par le donateur, lui assurant ainsi le droit de continuer à utiliser le bien ou à en percevoir les revenus.

Sur le plan fiscal, ce mécanisme présente un double avantage :

  • D’une part, l’assiette des droits de donation est limitée à la valeur de la nue-propriété, calculée forfaitairement selon l’âge de l’usufruitier ;
  • D’autre part, la pleine propriété se reconstitue automatiquement entre les mains du nu-propriétaire au moment du décès de l’usufruitier, sans aucun droit supplémentaire à acquitter. La réduction d’assiette obtenue lors de la donation est ainsi définitivement acquise.
La mise en place d’une donation transgénérationnelle 

Le dispositif de la donation transgénérationnelle autorise à allotir directement les petits-enfants, en tout ou partie, dans le cadre d’un acte unique.

Ce type de transmission permet notamment de réduire la charge fiscale globale en évitant une double imposition : les biens transmis directement aux petits-enfants ne seront ainsi taxés qu’une fois du fait du saut de génération.

Il est également possible, dans le cadre de cette transmission, de prévoir une clause d’usufruit successif au bénéfice des enfants. Ainsi, les petits-enfants ne deviendront plein-propriétaires qu’au décès de leurs parents.

La prise en charge des droits de donation par le donateur

S’il est d’usage que les droits de donation soient acquittés par les bénéficiaires, il est tout à fait possible – et fiscalement opportun – que le donateur en assure lui-même le paiement.

Il est en effet admis que le donateur prenne à sa charge le paiement des droits sans que cela ne constitue une libéralité supplémentaire imposable. Les droits sont alors calculés sur la seule valeur des biens transmis, sans majoration liée au paiement des frais par le donateur.

Ce mécanisme permet ainsi de limiter le coût global de l’opération pour les héritiers, tout en réduisant la valeur de l’actif résiduel taxable au moment de la succession.

La réalisation de dons manuels de sommes d’argent (« don Sarkozy »)

Les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété au profit d’un enfant ou d’un petit-enfant peuvent bénéficier d’une exonération de 31 865 € par bénéficiaire, à la double condition que le donateur ait moins de 80 ans au jour du don, et que le donataire soit majeur.

Cette exonération est renouvelable tous les 15 ans, et peut être cumulée avec les abattements de droit commun.

La possibilité de consentir certains présents d’usage à caractère familial.

Certains dons ponctuels peuvent être qualifiés de présents d’usage, dès lors qu’ils sont effectués à l’occasion d’un événement familial (anniversaire, mariage, remise d’un diplôme…) et qu’ils restent proportionnés au train de vie et à la fortune du donateur.

Ces présents échappent aux règles des donations ordinaires : ils ne sont ni imposables, ni soumis à déclaration.

Ils peuvent ainsi constituer un complément à une stratégie de transmission plus structurée, en permettant de gratifier ses proches à l’occasion d’événements marquants, sans incidence fiscale.

Conclusion : La transmission de leur patrimoine par les non-résidents peut s’avérer source de complexité, tant sur le plan civil que fiscal. Cette situation peut également être source d’opportunités dans l’hypothèse où la convention fiscale applicable contiendrait des dispositions de nature à neutraliser l’imposition en France. Une bonne maîtrise des règles et une anticipation adaptée permettent ainsi d’assurer une transmission sereine à un coût maitrisé.

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