Elever un enfant de la troisième culture : les défis

Grandir en tant qu’expatrié peut être beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. Trois principaux facteurs entrent dans l’équation : le pays dans lequel vous vivez, la fréquence à laquelle vous changez de lieu et, plus important encore, l’âge que vous avez au moment du ou des déménagement(s).

Certains sujets n’ont pas encore la place qu’ils devraient tenir dans la sphère « psychologie » et dans les réflexions sur l’expatriation. C’est pourquoi il est important de se poser ces questions en tant que parents : grandir dans tous « ces mondes », quel impact sur nos enfants ? Comment peut-on les aider ?

Pourquoi parler de grandir dans « des » mondes ?

Parce que les enfants expatriés – les enfants de la troisième culture comme nous les appelons – sont élevés dans une culture autre que celle dans laquelle leurs parents ont habituellement grandi (le pays du passeport).  Ils vivent et font l’expérience de la culture de leur pays d’accueil – dans la rue, à l’école et avec des amis. Une fois, à la maison, avec leur famille, ils parviennent à absorber leur propre culture familiale (ou culture « s » familiale « s », si leurs parents forment un couple multiculturel). 

Le premier travail de recherche sur les TCK – Third Culture Kid ou Enfants de la Troisième Culture – remonte aux années 50. De nos jours, il y a plus d’informations sur la manière de soutenir les enfants expatriés, mais la sensibilisation reste insuffisante.

Le sentiment d’appartenance et le lien social.

En tant qu’individus, nous sommes des êtres sociaux. Les liens sont vitaux pour nous. Cela peut sembler évident, mais pour les jeunes expatriés, un autre élément rend la création de ces liens encore plus critique : le sentiment d’appartenance.

Communément nous forgeons nos identités à partir d’un lieu géographique – où nous avons grandi -, d’une communauté, d’une culture ou de notre réseau social.

Jusqu’à l’adolescence, le réseau social d’un enfant est principalement constitué par ses parents, ses frères et sœurs. C’est pourquoi il y a généralement moins de problèmes lors de déplacements à l’étranger avec des enfants de moins de 11 ans.

Cela ne signifie pas que le changement ne les affectera pas, mais appartenir à sa famille est à cet âge ce qui importe le plus en termes d’identité.

Généralement, c’est lorsque l’on a entre 10 et 12 ans que les pairs commencent à prendre de la place dans notre vie.

Si un enfant a grandi en dehors de son pays d’origine (ou du pays de ses parents), s’il a déménagé et changé de pays fréquemment, son identité ne sera clairement pas définie par la géographie ou par le groupe culturel auquel il appartient. 

Ce sont les relations et les liens sociaux qui définissent l’identité des jeunes expatriés.

A treize ans, Juliette a vécu dans quatre pays différents, mais cette fois, elle s’oppose au mouvement comme jamais. Dans le passé, elle aidait à toutes les tâches liées au déménagement et à l’aménagement. Elle se faisait des amis immédiatement. « C’est la première fois qu’elle se plaint et nous fait des scènes tous les jours » explique sa mère. Juliette n’accepte plus aussi facilement de se retrouver à nouveau déracinée.

Pour Juan, quinze ans, qui vit au Costa Rica depuis deux ans, ce problème d’adaptation est allé jusqu’à s’infliger des blessures. Ses parents ont décidé de consulter. A l’arrivée au Costa Rica, ses parents pensaient qu’une école internationale serait le meilleur environnement pour lui. Mais Juan est resté étroitement attaché à son groupe d’amis au Mexique. Après ces deux années, il n’a pas été en mesure de créer de nouveaux liens.  

L’aide active à la reconstruction d’un lien social extra-familial

L’identité d’un enfant se construit à travers des relations avec ses pairs. Il est donc crucial de les aider à redécouvrir des groupes de pairs positifs et solidaires. Bien sûr, ce n’est pas une tâche facile.

Cependant, au vu de l’importance de ce facteur dans leur développement, cela vaut la peine d’essayer tout ce qui peut être fait : discuter avec les enseignants, les conseillers scolaires… en recherchant des activités périscolaires sportives ou artistiques susceptibles de les intéresser, trouver des solutions pour socialiser l’enfant/l’adolescent et être plus attentifs à ce qui se passe dans leurs nouveaux cercles.

Votre écoute

Le second aspect est de les soutenir dans leur processus de deuil. Fermer le livre d’une expatriation précédente ou de sa vie d’«avant » est nécessaire pour commencer un nouveau départ. Il est important qu’ils puissent exprimer ce qui leur manque, ce qui fait mal, les frustrations et le déracinement.

Il n’est pas nécessaire que vous ayez LA solution pour cela, mais avec une écoute attentive, intéressée et active, vous pouvez aider beaucoup plus que vous ne l’imaginez. L’écoute d’un professionnel est également recommandée.

Paula Vexlir est une psychologue expérimentée du réseau international Eutelmed. Cela fait plus de 16 ans qu’elle travaille et soutient les populations expatriées hispanophones et anglophones.

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