A quarante-cinq ans, David Lasfargue s’est lancé dans un nouveau projet : après avoir dirigé pendant quinze ans la filiale russe de Gide, cet avocat d’affaires vient d’ouvrir le bureau Jeantet à Moscou.
Un choix personnel. « C’est le bon âge et le bon moment pour changer et rebondir ! » Mais avant tout une décision professionnelle. « Il n’y a pas beaucoup de cabinets internationaux qui, en ces temps de crise économique en Russie et de sanctions occidentales contre elle, osent une nouvelle implantation ici », rappelle-t-il, attablé à un restaurant branché au coeur de la capitale russe. « J’ai été attiré par l’ambition de Jeantet. Crises et sanctions ne sont pas éternelles. Il faut être prêt quand cela va repartir ! Nous allons beaucoup prospecter », s’enthousiasme David Lasfargue, devenu associé de Jeantet. Avec un créneau pour son équipe d’une dizaine d’avocats et juristes, pour les deux tiers francophones : accompagner les projets russes des entreprises et investisseurs français.
Après avoir ouvert l’an passé des bureaux à Kiev et à Budapest, Jeantet capitalise sur les connaissances de David Lasfargue dans le droit des affaires russe, mais aussi sur son expérience dans la complexité des milieux d’affaires sur place, pour y poursuivre son expansion en Europe de l’Est. « Si je crée un bureau, ce n’est pas pour partir ! », prévient cet avocat du barreau de Paris qui a prêté serment en 1994 et que rien ne prédestinait à une carrière en terres russes.
Louis XVI et Kundera
Originaire de Moulins, dans l’Allier, il a mené ses études de droit à l’université Lyon-III et enchaîné les diplômes : DJCE (diplôme de juriste conseil d’entreprise), DESS de droit des affaires et fiscalité, Magistère de juriste d’affaires et DEA d’histoire du droit et des institutions. Avec aussi un mémoire qu’il défend encore aujourd’hui avec passion : la naissance de l’opinion publique en France sous Louis XVI. « Dès le lycée, j’ai toujours voulu être avocat. Ce côté indépendant, acteur, défenseur… », confie-t-il.
Repéré par Gide, David Lasfargue est resté fidèle à ce cabinet plus de vingt ans, gravissant les échelons jusqu’à en devenir associé en 2006 et membre du comité exécutif en 2012. Il a commencé en 1995 par y faire son service – militaire – civil dans le bureau de… Prague. C’est le début d’une carrière qui, depuis, n’a cessé de virer à l’Est. « J’adorais Kundera, mais je n’étais jamais allé avant à Prague », se rappelle-t-il.
Après avoir prolongé d’un an son contrat tchèque puis occupé un poste à Paris pendant trois ans (dans le département de droit économique), il se voit proposer par Gide en 2001 de prendre la direction du bureau à Moscou. « Je n’ai pas hésité un instant », se souvient David Lasfargue, qui, dans les années 1990, était venu en touriste dans la capitale et à Saint-Pétersbourg. « On s’était bien amusés. J’avais déjà bien compris que c’est un pays compliqué et dynamique ! » Aujourd’hui, il assure « mieux percevoir la complexité russe car l’environnement [lui] est devenu familier ». En revanche, dit-il, il a renoncé « à comprendre l’énigme de la Russie, entre sa douceur et sa brutalité, avec ces gens si sensibles et humains mais capables d’incroyables violences ».
Chez Jeantet comme chez Gide, où le bureau a compté avant la crise actuelle jusqu’à une quarantaine d’avocats, tout se fait en anglais et en français. Mais David Lasfargue, qui vit en couple, a appris le russe pour sa vie quotidienne. Et, depuis les îles Solovki jusqu’à la Volga, il sillonne le pays pour le plaisir. Concentré et souriant, costume impeccable et boutons de manchette aux poignets, l’avocat a passé beaucoup de temps à Moscou dans les milieux d’affaires. Accumulant, au fil des ans, des postes divers : président de la section russe des conseillers du commerce extérieur français, secrétaire du conseil d’administration de la Chambre de commerce franco-russe et représentant de la communauté d’affaires française à l’Association of European Business. Autant d’organisations qui, aujourd’hui, militent pour la levée des sanctions européennes contre la Russie. « Un long travail… », souffle David Lasfargue, qui, entre deux rendez-vous pour Jeantet, a récemment interpellé Matthias Fekl, le secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur français, de passage à Moscou. Et de répéter son credo : « J’ai envie d’être là quand, en Russie, ça va repartir ! »
Article paru le 6 juin 2016 dans Les Echos
http://www.lesechos.fr/journal20160606/lec2_carnet/021994747857-david-la…